50 années viennent de s’écouler depuis le putsch de Pinochet.

Lors de nos deux dernières rencontres nous avions évoqué l’ intérêt des Chiliens pour la confection d’une nouvelle constitution. Où le Chili en est-il en ce jour , 50 années après la prise de pouvoir par Pinochet et ses sbires ?

Nous devons malheureusement constater que la droite se lâche après avoir remporté massivement les deux dernières élections. Citons tout d’abord le rejet de la proposition de nouvelle constitution en septembre 2022 puis l’élection en mai 2023 des délégués au niveau du Conseil constitutionnel chargé de la rédaction du projet.

Les partis de droite et d’extrême droite ne cessent de clamer leur contentement. Oui, il suffit d’écouter le propos de Luis Silva, un catholique conservateur, membre de l’Opus Dei qui déclare : « J’ai gardé pour Pinochet une certaine admiration car il fut un homme d’État. »

Il suffit aussi d’entendre l’ex-président de la République Sebastian Pignara qui affirme que le gouvernement d’Allende n’avait pas respecté les principes de la démocratie.

Enfin, la nouvelle présidente du Conseil constitutionnel, une avocate de 31 ans, membre de l’extrême droite précise en parlant de Pinochet : « Je suis née en 1998 et me référer à des faits que je n’ai pas connus n’a aucun sens. »

Dans un récent sondage, 36 % des sondés déclarent que Pinochet avait libéré le pays du marxisme et  42 % pensent qu’il avait détruit la démocratie.

Aujourd’hui, nous commémorons le cinquantième anniversaire du coup d’Etat du 11 septembre 1973. La bataille de la mémoire est pleinement engagée et elle est loin d’être gagnée.

Les partis de droite et d’extrême droite s’entendent au sein du Conseil constitutionnel et souhaitent la limitation du droit de grève et l’interdiction de l’avortement. Si leur projet est accepté en décembre prochain lors du référendum, l’extrême droite sera gagnante et le Chili restera avec la Constitution de Pinochet.

Récemment le 19 août dernier,  le gouvernement du président Boric a dû accepter la démission du ministre Giorgio Jackson acculé à la démission par la droite et l’extrême droite. Ces forces ont mené une violente campagne contre lui depuis le début de l’année car Giorgio Jackson est un symbole : il est un ami intime du président Gabriel Boric mais aussi un des fondateurs du Frente Amplio. La chute de Jackson est une nouvelle victoire de la droite qui avait annoncé qu’elle boycotterait tout projet de réforme fiscale et de réforme des retraites tant que le ministre serait en poste. La tactique de la droite est d’empêcher le gouvernement Boric d’avancer sur des dossiers importants. Elle mène campagne en disant que le gouvernement n’a pas de majorité au Parlement et doit négocier projet après projet . Et durant tout ce temps, tout se déroule dans le pays sans qu’il n’y ait aucun mouvement social, revendicatif ou politique. Le Chili reste sans voix depuis la déroute de la gauche lors du référendum du 4 septembre 2022

Durant les  50 années écoulées, la droite n’a pas changé. Rappelez-vous qu’en 1973, la démocratie chrétienne et le Parti national avaient signé un texte commun et le faisaient voter par le Parlement. C’était une accusation d’inconstitutionnalité du gouvernement de Salvador Allende. Ce texte faisait directement appel aux militaires. En effet, aux élections législatives de mars 73, la gauche n’avait recueilli que 43 % des voix mais la droite du Parlement était très loin d’obtenir les deux tiers des voix nécessaires pour réaliser une accusation d’anticonstitutionnallité.

Le 22 août dernier, lors d’une réunion de la Chambre, certains députés de la droite ont lu le texte datant de 1973 et ont demandé un vote de validation de ce texte. La majorité des députés à fort heureusement voté contre. C’est donc clair : 50 ans après le push, la droite justifie toujours le coup d’État. Elle reste profondément pinochétiste et n’accorde aucune valeur aux principes démocratiques.

Lors d’une dernière commémoration annuelle, nous avions relaté l’assassinat de musicien Victor Jara. Il aura fallu attendre 50 ans pour que les assassins du musicien soient définitivement jugés. Les criminels ont utilisé jusqu’au bout toutes les ressources possibles du droit pour tenter d’échapper à une sanction. Cette fois, il n’y avait plus d’appel possible et la Cour suprême s’est prononcée et a confirmé des peines de 8 à 25 ans d’emprisonnement contre 7 militaires.

En ce mois d’août 2023, le Chili est en deuil. Guillermo Teillier, le président du Parti communiste du Chili vient de décéder. La vie de cet homme se confond avec l’histoire de son parti et de celle du Chili. il sera arrêté par les militaires, torturé et emprisonné. Libéré en 1976, il refusera de s’exiler. Dans la clandestinité, il reconstruira la direction nationale du Parti communiste dont il deviendra le président. Dans les dernières années, il joua un rôle de premier plan pour rapprocher les convergences unitaires. Son action a permis l’élection de la gauche à la présidence du Chili avec Michelle Bachelet d’abord puis de Gabriel Boric aujourd’hui. Le jeune président chilien, conscient de l’importance du personnage et du rôle qu’il a joué au sein de la gauche a décrété 2 jours de deuil national en sa mémoire.


Le 30 août 23, le président Boric vient de signer un décret qui officialise le plan national de recherche des détenus disparus. C’est le premier plan de ce type depuis la fin de la dictature en 1990. Il y a eu 1469 disparus pendant la dictature. Les traces de 307 d’entre eux ont été retrouvées. Il en reste 1162 pour lesquels il n’y a pas d’informations. C’est la loi du silence 50 ans après le coup d’État. Il y a toujours le refus de pouvoir accéder aux archives . Les militaires espèrent que la mort naturelle des criminels éteindra toute action. Le plan décrété par le président Gabriel Boris devrait permettre d’avancer un peu plus vite

Malgré les nombreux aspects négatifs que je viens d’évoquer, tout ne semble pas perdu. Le 2 septembre dernier, la gauche a remporté les élections de la Fédération des étudiants de l’Université du Chili. C’est une liste d’union de la jeunesse démocratique qui l’a emporté dès le premier tour avec 75 % des voix. Les résultats de ces élections expriment directement une signification politique.

Je terminerai mon allocution sur cette note positive. 50 années se sont écoulées. A cette occasion, les Courcelloises et Courcellois, unis au travers de cinq décennies continuent de démontrer par leur présence chaque 11 septembre la constance de leur solidarité.

Pour la réalisation de mon intervention de ce jour, j’ai pu m’appuyer sur une chronique régulière rédigée par membre du collectif Amérique latine du PCF ,Pierre Cappanera.

Robert Tangre

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