Née dans une famille bruxelloise où le père était artisan-commerçant en meubles, Marguerite aura bien rempli sa vie presque aussi longue que le siècle.
Son enfance a été paisible, jamais cossue mais baignée dans la douceur maternelle. Elle a 11 ans quand se déchaîne la Première Guerre mondiale.
À 16 ans, l’adolescente (la grande Marguerite comme on l’appelait à cause de à cause de son mètre 80) commence sa vie professionnelle. Elle sera employée dans diverses firmes et notamment de 1928 à 1936 chez Philips.
Complétant son bagage scolaire du 4e degré, elle suit des cours du soir (sténodactylo, comptabilité) et devient petit à petit une employée très qualifiée, rigoureuse, un modèle de secrétaire de direction, chargée de lourdes responsabilités sans pour autant ne rien céder de son engagement syndical
Les turbulences des années 30 bousculent cet horizon jusque-là très éloigné de la politique. Son milieu familial y était totalement étranger. C’est vers 1935 que Marguerite s’interroge sur le sens de sa vie confortable, intéressante, mais passablement égoïste. Elle venait de rencontrer via le syndicat des employés une personnalité flamboyante qui la marquera à jamais, Fanny Jacquemotte. Cette militante communiste, émigrée de Roumanie et qui mourra à Auschwitz, l’entraînera aux réunions du comité mondial des femmes. Elle s’ouvre aux problèmes internationaux et assume aussitôt ses responsabilités. C’est là que se nouent des amitiés durables avec Madeleine Thonnart-Jacquemotte et Juliette Herman par exemple. Mais le temps n’est pas aux effusions lyriques : la solidarité avec les républicains espagnols puis la lutte contre l’occupant nazi s’inscrivent dans le droit fil de ce premier engagement. En 1936, Marguerite Mertens adhère au parti communiste.
Sous l’Occupation, elle est dès ‘l’été 1940 responsable d’un groupe de femmes bruxelloises qui revendiquent un meilleur ravitaillement et plus précisément du pain et du lait pour les enfants.
Elle s’occupe ensuite de la rédaction et de la diffusion de journaux clandestins, du transport d’armes et d’argent collecté au profit des victimes de la répression nazie. Bref, ces besognes obscures et périlleuses que tant de femmes ont accomplies sous l’occupation.

Juliette Herman
C’est de justesse qu’elle échappe à l’arrestation par les SS en juillet 1943. Elle est avisée in extremis du traquenard dans lequel vient de tomber son amie Juliette Herman, institutrice bruxelloise qui mourra en déportation. Elle sera dès lors vouée à la clandestinité. Devenue Henriette, Marguerite effectue diverses missions au sein de l’Armée belge des partisans notamment aux côtés de Raymond Dispy, futur député de Bruxelles
À la Libération, le PC lui propose un emploi de secrétaire. Elle l’accepte et travaillera jusqu’à fin 1949 à l’administration du Drapeau rouge. En même temps, elle s’active à la section d’Ixelles et au comité de la Fédération bruxelloise du parti. Lors des premières élections communales de l’après-guerre en 1946, elle est élue conseillère à Ixelles
Un fil conducteur relie ses nombreux interventions au cours de son mandat : c’est le devoir du conseiller communal d’être à l’écoute de la population et singulièrement de celle qui est dépourvue de moyens matériels et culturels pour se faire entendre. Marguerite va réclamer avec constance une élaboration plus réfléchie, moins automatique du budget de la commune, la prise en compte plus attentive des besoins des plus démunis, chômeurs, retraités à la pension modeste, mal logés.
Une de ses préoccupations centrales, c’est la montée du coût de la vie. Dès son entrée en fonction mais aussi tout au long de son mandat, elle combat les hausses des tarifs en particulier de l’eau et de l’électricité. Comme il s’agit à l’époque d’une régie communale de l’électricité, elle s’acharne à proposer des modifications tarifaires au bénéfice des consommateurs aux faibles revenus : « Pourquoi ne pas dispenser certaines catégories du paiement de la redevance demande-t-elle à plusieurs reprises ? »
Fin 1948, elle combat contre l’augmentation du prix de l’eau, s’indignant de ce que les hausses de tarifs soient acceptées comme si elles allaient de soi. Elle propose un tarif progressif. Elle a au moins la satisfaction de provoquer un débat sur cette réforme
Lorsqu’on relit les comptes-rendus des séances du conseil communal, on s’aperçoit que Marguerite était écoutée. Le ton de ses interventions était toujours modéré, sa sincérité évidente, ses arguments sérieux. Mais les revendications de nature structurelle qu’elle a formulées ne furent pas entendues. Il ne suffisait pas, en effet, d’être courtois et de présenter son point de vue sans outrance pour emporter l’adhésion d’une assemblée où les communistes étaient très minoritaires.
A suivre
Rosine Lewin