L’OTAN et l’ONU

Dans son concept stratégique 2022, l’OTAN entend continuer à s’inscrire « dans une perspective globale » et, pour ce faire, veut travailler « en étroite collaboration avec [ses] partenaires ainsi qu’avec d’autres pays et organisations internationales, telles que l’Union européenne et l’Organisation des Nations Unies ». 

La supériorité hiérarchique de l’ONU est le fondement du droit international public. C’est pourquoi le Traité de Washington rappelle, en son article 7, que la création de l’OTAN n’affecte « en aucune façon les droits et obligations découlant de la Charte pour les parties qui sont membres des Nations Unies » ainsi que « la responsabilité primordiale du Conseil de Sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Malgré cela, l’estompement de l’autorité des Nations Unies sur l’OTAN est un processus qui s’observe depuis plusieurs années. Dès 2010, en effet, l’ONU est déjà identifiée par l’OTAN comme un « partenaire » avec lequel l’alliance entend « collaborer ». Le concept stratégique de Madrid confirme cette évolution en signalant, parallèlement, son simple « attachement » « aux buts et principes de la Charte des Nations Unies ».  

Dans la même logique, signalons que le concept stratégique de Madrid avance pour la première fois la volonté de l’OTAN d’être le « rempart » de « l’ordre international fondé sur les règles ». Sept occurrences de cet objectif dans un document de 12 pages soulignent la centralité de plus en plus affirmée de cette posture hégémonique. Nous avons donc demandé aux partis s’ils cautionnaient l’idée selon laquelle l’OTAN puisse s’affranchir des Nations Unies dans certaines circonstances. 

Heureusement, la majorité des partis politiques restent attachés à la supériorité hiérarchique des Nations Unies. Le MR refuse de répondre tant il « ne partage pas la même interprétation » que la CNAPD. 

Après avoir expliqué que « l’OTAN est l’alliance la plus solide et la plus ancienne pour la sécurité de ses États membres et la sécurité du monde » (rien que ça), les Engagés soutiennent l’idée que l’OTAN devrait pouvoir s’affranchir d’un blocage du Conseil de sécurité « s’il est indispensable d’agir dans le cadre de la responsabilité de protéger face à une catastrophe humanitaire ». Programme inquiétant. 

Sur base de quoi, en effet, une alliance militaire régionale telle que l’OTAN peut-elle prétendre être garante de la paix et de la sécurité internationales ? Parce que, finalement, elle se proclamerait le « club des démocraties » ? 

Sur la scène internationale, les membres de l’OTAN ne sont pas plus vertueux, moraux ni respectueux du droit international que d’autres États, loin s’en faut. En se substituant aux Nations-Unies sous prétexte de garantir « l’ordre international fondé sur les règles », l’OTAN poursuit insidieusement ses propres objectifs et intérêts. Très souvent au détriment de la paix et de la sécurité. 

Les Nations Unies sont la seule organisation multilatérale, à visée universelle, qui peut prétendre être gardienne de la paix et la stabilité internationales. Avec sa Charte comme unique cadre, repère et horizon. Toute autre organisation, quelle que soit sa nature et sa portée géographique, doit y être entièrement subordonnée, sous peine de saper le travail pour la paix et à la stabilité. Le droit international doit être universellement applicable et appliqué s’il ne veut pas subir les maux du relativisme et renforcer par là même une conception du droit qui se confonde avec les intérêts politiques particuliers. 

Il n’existe aucun exemple dans l’histoire des interventions militaires de l’OTAN qui ait débouché sur une situation stable et pacifiée. D’abord, encore une fois, parce que l’OTAN n’est pas un acteur neutre et désintéressé. Mais aussi, et surtout, parce que la paix appelle d’autres moyens que la force. Comme le rappelle le droit international, l’usage de la force ne peut se faire qu’en dernier recours, après avoir épuisé tous les autres moyens non coercitifs. Sur le plus long terme également, la paix et la stabilité ne s’assurent que par l’édification constante d’un système international réellement multilatéral basé sur le dialogue et les mesures de confiance réciproques. Ce que l’OTAN sape par son existence même, préférant la course à la militarisation et la logique de bloc contre bloc. 

Samuel Legros
Extrait du CNAPD

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