Hronikova Anna nous parle:

« Après une journée de travail, nous étions tous fatigués et nous nous préparions à prendre un repos bien mérité. C’est après 9 heures que cela a commencé. Des camions pleins de soldats arrivaient dans le village. On entendait le bruit infernal des moteurs et les hurlements insolents des mercenaires fascistes. En quelques instants, le village fut envahi par la troupe.
Après minuit, les soldats commençaient à chasser les gens de leur maison. Les femmes et les enfants furent emmenés à l’école, les hommes dans la ferme des Horak. Il était triste de voir toutes ces femmes avec leur baluchon, certaines berçaient dans leurs bras des enfants qui avaient sommeil et qui pleuraient. Dans tous les regards, : on pouvait lire l’angoisse : « Qu’allons-nous de venir ? »
Les fascistes prirent rapidement une décision. Très tôt, le matin, on nous donna l’ordre de monter dans des camions qui nous transportèrent au lycée de Kladno. C’était pénible pour nous de quitter nos foyers.
Toutes les fenêtres de nos maisons étaient ouvertes. Le couvre-feu était obligatoire mais toutes les lumières étaient allumées.
Les fascistes avaient sorti différents objets devant les maisons : machines à coudre, postes de radio, bicyclettes, ils avaient entassé des vêtements et des produits alimentaires…
Dans la cour de la famille des Horak, nous avons vu nos hommes. Nous les avons vus tous pour la dernière fois. »
Les derniers camions transportant les femmes et les enfants de Lidice avaient à peine quitté le village que tous les membres des unités de la police de sécurité se rassemblèrent sur la place de l’église. Les officiers désignèrent parmi eux les membres du peloton d’exécution. Ce peloton se rendit ensuite dans le jardin de la ferme des Horak. On avait adossé des matelas et des paillasses contre le mur de la grange pour que les balles ne puissent ricocher.
Les morts étaient laissés sur place comme ils tombaient. Les autres hommes qui arrivaient sur les lieux de l’exécution devaient se placer devant et le peloton d’exécution reculait de quelques pas et la tragédie se répétait. Aucun des condamnés n’avait les mains liées et on ne leur mettait pas de bandeaux sur les yeux
Après la guerre, devant le tribunal, le chef de la Gestapo de Kladno, Harald Wiesmann, parla du comportement des hommes de Lidice. Devant le peloton d’exécution, les hommes de Lidice arrivaient sans crainte. Ils se tenaient droit et étaient courageux. Nous n’avons assisté à aucune scène de désespoir. Sur leurs vêtements, je n’ai vu nulle trace de l’emplacement du cœur marqué à la craie. Le verdict ne leur était même pas lu : ils étaient fusillés sans qu’on leur dise pourquoi.
Au bout d’un certain temps aux 173 fusillés du 10 juin 1942, vingt autres s’ajoutèrent encore. Onze autres travailleurs furent arrêtés et fusillés plus tard. Les 15 membres des familles Horak et Stribrny furent arrêtés le 3 juin et ensuite fusillés à Prague.
Les pelotons d’exécution tuèrent 192 hommes et 7 femmes soit 199 vies humaines. Et combien d’autres habitants de Lidice devaient encore mourir !
L’infamie d’un tel crime fut prouvée après la guerre devant le tribunal populaire de Prague.
Extraits du livre « Lidice » de Ivan Ciganek