
Les parents sont au chevet d’Yvon
Nous étions le dimanche 14 mai 1950 vers 9h. Un membre de la même famille venait nous remplacer. Notre frère Yvon avait toujours une personne de la famille auprès de lui de jour comme de nuit pendant ses 5 semaines d’hospitalisation car il réclamait sans cesse à boire (10 à 12 litres par jour) et il fallait l’aider à uriner puisqu’il n’y voyait rien.
C’est seulement 8 jours plus tard qu’il put ouvrir les yeux et revoir la lumière du soleil.
Le lundi 15 mai fut le jour des funérailles du conducteur Hermann Chapelle.
Le mardi 16, nous reprenions le travail. Ce fut très dur car nous pensions à tous ceux que nous ne reverrions plus. Nous nous parlions tout bas et chacun se demandait comment cela avait pu arriver.
Au fond, plus personne ne parlait. C’était le silence. Toutes nos pensées étaient pour nos camarades, nos frères de travail. Vers minuit, à l’heure du repas du 3e poste, chacun exprimait son idée. Mais pourquoi n’a-t-on pas troué le mur un jour de chômage puisque nous chômions un lundi sur deux ou bien de le faire durant le pose de nuit car à ce moment-là, il n’y aurait eu que 15 ouvriers et non 40. On m’a répondu que c’était le destin et j’ai répliqué que le destin avait bon dos.
Ce sont les ingénieurs et les directeurs qui ne prenaient pas assez de précautions. Les ingénieurs avaient décidé de percer le mur de la taille 27 mais pourquoi n’y avait-il pas un seul ingénieur sur place au moment de percer ce mur ?
Nous avions peur de ce mur qui fermait un bouveau d’environ 100 m de longueur et qui dégageait du grisou. Mon frère Joseph et moi occupions le poste de nuit et nous avions dit à Georges et Yvon qu’au moment où ils verraient que l’on venait pour percer le mur de dire qu’ils étaient malades et de retourner chez eux. Malheureusement ils ne l’ont pas fait.
Après la catastrophe, la vie reprit son cours et le travail repartit. Évidemment la taille du 27 est restée en attente. Les années passèrent vite car nous voilà déjà arrivés en 1953. J’ai repris un peu de service au premier poste puis de nouveau, j’ai travaillé dans la taille à l’abattage du charbon. La longueur de cette taille était d’environ 150 m donc il y avait 30 ouvriers abatteurs. J’étais aidé par mon ami Émile Cansse qui était surveillant. Il suivait les cours de mine pour devenir porion. Ensemble, nous faisions du bon travail surtout pour la sécurité des ouvriers ainsi que de fournir la boiserie au moment où les autres mineurs en avaient besoin.
Enfin, nous faisions de notre mieux pour que la taille marche bien. C’était aussi le bon moyen pour qu’Emile soit nommé porion. Nous ne sommes restés que 6 mois ensemble, de janvier à juin 1954 puisque à ce moment-là, on m’a renvoyé au poste de nuit. Je devais remplacer le sauveteur guide à ce poste. Maintenant, revenons sur les ouvriers dans la veine car chaque société avait son règlement pour les payer. Il y avait le travail à la longue chaîne ou à la courte chaîne.
À suivre
Jean le mineur