
Le PS, toujours présidé par Paul Magnette, entame un travail de refondation annoncé comme « sans tabou ». En recul constant, les socialistes sont contraints de revoir leur logiciel.
Le PS donne, cette semaine, le coup d’envoi de sa refondation. À partir de ce 22 mars, des « réunions locales » inviteront au débat militants et toute personne intéressée, comme autant de foires aux idées. En ligne, un questionnaire accessible à tous, interroge « sans tabou », promesse du processus, sur ce qui énerve et ce qui plaît au Parti socialiste. Une récolte d’avis citoyens pour un objectif : « repenser les idées, les projets, le fonctionnement du parti de manière participative et améliorer la vie en société, en partant des réalités et des attentes des citoyens », annonce le boulevard de l’Empereur.
« Au PS, tous les indicateurs sont au rouge. »
PASCAL DELWIT, POLITOLOGUE (ULB) : On en est donc aux balbutiements de cette nouvelle opération de renouveau dictée par les résultats des dernières élections. Sans se prononcer sur la méthode, Pascal Delwit (ULB), spécialiste du socialisme belge, évoque une « nécessaire introspection » pour un parti qui, il y a un an, se préparait à l’entrée de Paul Magnette au 16 rue de la Loi et à la ministre-présidence wallonne de Thomas Dermine. Le contraste est là, dépassé par le MR et talonné par Les Engagés, le PS est aujourd’hui dans l’opposition au Fédéral, à la Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le parti a perdu 15 points de pourcent en 15 ans, rappelle le politologue, en passant de 37% en 2010 à 22% aux législatives du 9 juin dernier. « Au PS, tous les indicateurs sont au rouge ». Et sans s’apparenter à une Bérézina, les élections communales n’ont pas donné lieu à la remontada prophétisée façon Coué par le président Magnette.
Si le PS se maintient dans les grandes villes, il perd des plumes et le pouvoir en bien des localités moyennes qu’il dominait largement depuis des décennies. Un déclin structurel accompagnant celui de la social-démocratie européenne, pour qui la dernière décennie fut « électoralement dramatique ». Reconquérir un large public salarié sera le plus grand défi de cette refondation qui pourrait aller jusqu’à un changement de nom. Quel socialisme ? Pour quoi faire ? Et avec qui ?
Retrouver un électorat historique
La question du rapport au travail et aux travailleurs s’annonce centrale dans la réflexion socialiste. « Il y a un problème d’incarnation de son public historique qui est celui des classes populaires salariées, estime Pascal Delwit. Une part grandissante de ces électeurs s’abstiennent, votent blanc ou nul, « cela s’est notamment vu à Charleroi », poursuit-il.
Le 9 juin, le PS a dû constater « la percée du MR dans ces catégories, avec un discours viriliste, centré sur la lutte contre l’assistanat social et parfois aux confins de la xénophobie ». « C’est l’alchimie qui fait progresser la droite radicale », analyse le politologue.
Dans le même temps, le PS semble s’être enfermé dans son rôle de protection des acquis sociaux, réel, mais qui se traduit par un discours « peu enchanteur », constate Pascal Delwit. Tandis que PTB et Ecolo se positionnent tous deux dans le même électorat avec des idéaux plus marqués.
Quels tabous pour quel programme ?
Quand on annonce une réflexion sans tabou, c’est qu’il doit y en avoir « dans l’imaginaire de la direction du parti », plante Pascal Delwit. Quels sont-ils ?
On peut citer quelques hypothèses comme le rapport à l’aide sociale déjà évoqué. Mais également à la laïcité, alors que la dépendance de certains élus à l’électorat musulman a mis le parti sous tensions et pu effrayer certains électeurs. Ou encore la migration, un thème pour lequel certaines gauches choisissent de durcir le ton.
Le PS a-t-il intérêt à suivre cette voie qu’on retrouve chez Vooruit? « Je suis dubitatif, répond Pascal Delwit. Côté francophone, cette thématique n’est pas à l’agenda comme en Flandre, où l’extrême droite est très présente ».
« Cela pourrait mener à une confrontation avec la Fédération bruxelloise du PS, ajoute-t-il. Par ailleurs, les académiques qui se sont penchés sur la question démentent l’idée que ce soit porteur électoralement ».
Faire émerger de nouvelles personnalités
Les difficultés du parti sont également, pour l’uelbiste, une conséquence directe d’une incapacité à faire émerger de nouvelles personnalités capables de séduire les cadres salariés. « L’exemple de Thomas Dermine est l’arbre qui cache la forêt », dit-il. L’érosion de l’ancrage local du PS est dû, selon lui, au manque de jeunes bourgmestres charismatiques.
« La capacité de Paul Magnette à redresser le parti suscite beaucoup d’interrogations. » Et d’ajouter une très forte centralisation de la décision, ce qui a pu se traduire par une perte de lien avec les locales du PS.
Par ailleurs, le plus grand tabou de cette refondation est peut-être celui de la capacité de Paul Magnette à redresser le parti, même s’il n’est pas le premier président à rester à la barre dans la tourmente et qu’il n’est pas contesté. « Cette question suscite beaucoup d’interrogations en interne », confirme Pascal Delwit.
Quelles relations avec la société civile ?
L’alignement du PS sur les positions de la Fédération des étudiants francophones sur le décret paysage en est un exemple, au-delà d’une perte de relais dans le monde enseignant, le parti semble parfois prisonnier de ses liens historiques avec certains acteurs minoritaires de la société civile. Au premier rang desquels la FGTB, de plus en plus proche du PTB. Le PS semble vouloir réévaluer ces relations.
La polarisation du débat public a par ailleurs radicalisé certaines associations sur des thèmes clivants comme le néoféminisme, les questions de genre ou encore le décolonialisme . Coincé entre ce radicalisme de gauche et une majorité de la population peu intéressée, voire brusquée par ces positions, le PS doit trouver une réponse au MR de Georges-Louis Bouchez, très vindicatif sur ce terrain.
MATHIEU COLLEYN
Extrait de l’Echo