
Les vêtements de bagnard de Jean Fonteyne, l’arrière-grand-père de Maya, auteure de cet écrit
Il y a 80 ans exactement, le 11 avril 1945, le camp de concentration de Buchenwald était libéré.
Une date tout à fait particulière pour les descendants des prisonniers, dont je fais partie, qui voient, sur plusieurs générations leur famille touchée et bouleversée par la détention d’un aïeul dans l’enfer des camps de concentration nazis.
Cette libération est particulièrement exceptionnelle puisque le camp de Buchenwald est l’unique qui a été libéré par les prisonniers eux-mêmes !
Comment cela fut-il possible ? L’ensemble des prisonniers s’est organisé clandestinement pendant des années pour structurer une résistance. Des armes ont été cachées, des représentants de chaque pays ont été élus, des moyens de communication et même des systèmes de sécurité sociale ont été mis en place dans le but de sauver un maximum de vies.
Comment tout cela s’est-il organisé ? Quoi de mieux que le témoignage d’un détenu, Jean Fonteyne, mon arrière-grand-père, dont la tenue de prisonnier est sur la photo ci-dessous. Premier belge à revenir du camp de Buchenwald, dans une Belgique déjà libérée depuis 7 mois.
Lors son retour en Belgique, il ne s’est pas reposé une minute, n’a pas dormi une heure, avant d’avoir couché sur papier les nombreuses pages de son témoignage et les avoir envoyées à la presse afin d’accélérer l’organisation du rapatriement des centaines de belges coincés dans le camp sans moyen de revenir.
Voici ce donc ce qu’il écrit en avril 1945, la nuit de son retour de Buchenwald, sur l’organisation clandestine des prisonniers et sur ce fait exceptionnel : la libération du camp par les prisonniers eux-mêmes :
« A peine avaient-ils mis le pied dans le camp que déjà, ils s’assemblaient, assuraient des contacts, recherchaient des moyens de venir en aide aux plus malheureux, obtenaient par des collectes internationales, des secours en pain, en soupe, en cigarettes pour les nouveaux venus, organisaient la circulation des nouvelles clandestines, instituaient des conférences, des cours. (…)
Sur leur initiative se créèrent les comités clandestins des communautés nationales, notamment en juillet 1944 le comité clandestin de la Communauté belge. Ce comité comprenait quatre membres représentant toutes les opinions politiques : un catholique, un communiste, un libéral, un socialiste. (…)
Le comité s’occupa d’assister les malades, de recueillir des vivres et des vêtements, de faciliter la vie à tous. Des médecins détenus ont prêté à ce comité une aide précieuse, sans considération du danger que comportait leur intervention. »
Entre le 5 et le 10 avril 1945, les prisonniers commencent à résister contre les ordres d’évacuation et les marches de la mort.
« Le 10 avril (…) quatre cents fugitifs se dissimulaient à l’infirmerie, certains avaient été emmurés avec de la nourriture et des armes. On touchait eu terme de la résistance, la journée du lendemain devait être décisive. Pour les vingt mille hommes qui avaient pu se soustraire au départ. (…)
La matinée du 11 avril se passa dans une attente tragique. (…) Dans le camp, les groupes de combat des détenus s’étaient assemblés. Ils avaient sorti des dépôts les armes cachées. En quelques instants, on vit des groupes, munis de fusils et de mitraillettes, se diriger vers les barbelés, faire des trouées dans ceux-ci et se précipiter dehors. (…) D’autres détenus prenaient possession de la tour, où ils hissaient un drapeau blanc. D’autres occupaient la centrale téléphonique. (…) De vifs combats s’engageaient dans le bois proche de l’infirmerie et à l’ouest de la porcherie. Des balles s’écrasaient avec un bruit sec dans le camp. Sur l’infirmerie on déploya des draps marqués de croix rouges. (…)
Pendant ce temps, les groupes de combat ramenaient leurs premiers prisonniers SS. Pas un de ceux-ci ne fut maltraité, même injurié. Et cependant s’était-on assez promis que, le jour où on les tiendrait, on leur donnerait la monnaie de leur pièce ! L’un d’eux, blessé au bras, fut aussitôt conduit au pansement. (…)
Vers cinq heures, le « Comité international provisoire du Camp », composé de représentants de toutes les nationalités, annonça que le camp était aux mains des détenus, que le calme régnait. Il fit appel à l’ordre et rappela que tout ce qui se trouvait dans le camp appartenait à la communauté et avertit que les pillards seraient sévèrement punis. (…)
Vers cinq heures aussi, deux officiers américains se présentèrent à l’entrée du camp. Ils exprimèrent leur surprise d’avoir trouvé le camp dans un ordre parfait, aux mains de groupes de détenus armés. (…)
Ils confirmèrent les pouvoirs du « Comité international du Camp ».
La direction du camp serait exercée désormais par un prisonnier politique allemand, assisté de ce Comité. Le soir-même, le Comité international, se servant des haut-parleurs, annonça les nouvelles de la journée. Pour la première fois les prisonniers entendirent ces haut-parleurs s’adresser à eux dans leur langue et les appeler non plus « détenus », mais « camarades ». »

Ce drapeau belge fut confectionné par un autre belge dès la libération du camp de Buchenwald. Il s’agit du député communiste Henri Glineur
Un article pour en savoir plus: https://www.rtbf.be/…/camp-de-concentration-de…
Et pour en savoir encore plus sur cette période de l’Histoire, je vous conseille vivement la biographie de mon arrière-grand-père, écrite par mon oncle Jean Lemaître https://www.publier-un-livre.com/…/4208-c-est-un-joli…
Maya Dedecker