
Charbonnage de Beringen
Nous devions réparer et nettoyer les blocs du camp pour loger les armées libératrices. Mon frère Pierre s’était engagé dans l’armée belge, dans la brigade Yser. Auguste était parti rejoindre la famille à Courcelles et moi, j’ai travaillé deux mois dans le camp. Comme je ne m’y plaisais pas, je suis retourné à la mine à Beringen et j’ai repris mon travail comme abatteur de charbon. J’avais demandé pour travailler dans une grande galerie car j’étais toujours handicapé de mon bras droit.
Du fait que je travaillais au marteau piqueur, j’avais souvent des abcès sous le bras et cela me faisait perdre des journées de travail. Nous avions besoin d’argent car je m’étais marié le 9 décembre 1944. En février 1945, j’ai dû être opéré d’un très gros abcès ou furoncle sous le bras. Le docteur qui m’a soigné m’avait conseillé de ne plus travailler avec un marteau-piqueur. C’est pour cela que j’ai repris le travail sur un bouveau en préparatoire comme manœuvre à 60 % des ouvriers.
Je gagnais autant qu’un ouvrier abatteur. Cela se passait bien et je me plaisais avec une équipe de bouveleurs, un travail que je n’avais pas encore fait.
Le 24 février 1945, j’ai été appelé au bureau de recrutement de Hasselt et j’ai été désigné pour le service actif milicien 1941. Mon épouse et moi étions bien tristes car nous étions mariés depuis 3 mois et je devais partir pour 10 mois de service militaire.
Au mois d’avril quand j’ai reçu l’ordre de rejoindre le deuxième chasseur à Charleroi le 7 mai 1945 à 14h, on venait juste de placer des affiches à l’entrée du charbonnage avec des photos représentant un mineur et un soldat où il était écrit : « Votre place est plus précieuse au fond qu’au front. »
Mais nous devions signer un contrat dans lequel il était inscrit que nous devions rester dans la mine pendant 5 ans. Comme c’était ma profession et que j’avais déjà presque 10 ans de fond, j’ai accepté.
Assez bien de jeunes des classes 1941- 42 – 43 – 44 et 45 sont venus à la mine. Presque tous les hommes mariés pouvaient rester à la maison. Donc j’ai continué mon travail comme manœuvre de bouveau mais voilà encore un accident : le radier a craqué. Le second manœuvre et moi étions tombés dedans et le grand chariot de terre s’était renversé sur nous. On nous a remontés. J’étais grièvement blessé et on m’a emmené à l’hôpital de Heusden. Mes frères qui m’avaient rendu visite à l’hôpital m’avaient dit : « Reviens à Courcelles, tu vas te faire tuer à Beringen. Nous travaillons au numéro 6 de Mariemont Bascoup, ajoutèrent-ils. Là, nous sommes bien, c’était un bon puits. Il y a beaucoup d’air et nous devons mettre un lainage pour travailler.
À Beringen, dans les tailles comme sur les bouveaux ou les voies, nous travaillons en maillot de bain car la température est toujours entre 35 et 30 degrés. » J’ai répondu à mes frères que je verrais pour l’année suivante.
Après 6 semaines d’hôpital, je pouvais marcher avec des béquilles. J’avais demandé au docteur de pouvoir rentrer chez moi mais c’est seulement après quelques jours de discussions qu’il m’a autorisé à sortir. Ma femme et mon frère Albert étaient venus me rechercher. Ils m’ont aidé à monter dans le train qui allait vers Bourg Léopold. Mon frère Albert me servait aussi d’interprète car je ne savais que quelques mots de flamand mais lui, il le parlait bien et d’autre part, ma femme ne connaissait que quelques mots de français
Dès mon retour, j’ai été appelé à l’infirmerie du charbonnage pour passer une visite et là, le docteur m’a donné l’ordre de reprendre le travail. Je me suis rendu au bureau de l’ingénieur en chef. Je suis allé chez le docteur avec mon ordre de reprendre le travail. Je l’attendais dans son bureau et après une longue discussion, Monsieur Forthomme est revenu. Il m’a dit que je devais reprendre le travail car c’est moi qui avais voulu sortir de l’hôpital et que pour les médecins, j’étais guéri. Toutefois il ajouta : « Je vais en parler à Monsieur Maloteau, le conducteur des préparatoires pour qu’il vous trouve un travail léger ».
Nous étions au début de novembre 1945 quand j’ai repris le travail. Je suis descendu dans la mine en me soutenant avec deux cannes. On m’avait donné un travail léger. J’étais assis dans une niche, à côté de moi, il y avait un treuil à air comprimé que j’actionnais pour tirer les chariots de terre de la cage. Un manœuvre formait les rames pour les conduire aux têtes de taille pour remblayage. Au bout de quelques semaines de ce travail, le conducteur m’a proposé d’apprendre à conduire une locomotive. J’ai accepté. Le jour suivant, j’ai commencé avec lui comme inspecteur puisqu’il était conducteur de travaux préparatoires avec une locomotive.
On se déplaçait du nord au sud. On visitait les bouveaux et les montages en préparation. Me voilà devenu machiniste loco. Le matin, le premier train conduisait les hommes sur le travail puis je revenais avec une rame de chariots vides vers le puits. Je remontais vers les fronts de taille avec des rames de chariots de terre.
Pendant quelques jours, un machiniste expérimenté m’accompagnait pour m’apprendre le fonctionnement des aiguillages car ceux-ci fonctionnaient à l’air comprimé et des feux devaient être allumés à chaque croisement des galeries ainsi que le placement des rames à front de taille pour que les hiercheurs aient la facilité de pousser le charbon dans le culbuteur qui vide celui-ci dans les couloirs. Vers 14h, je reprenais le train d’ouvrier pour les ramener au puits.
En 1945, je conduisais quelques ouvriers pour préparer un nouveau chantier. On y creusait une taille pour les inciviques qui devaient arriver un lundi.
À suivre
Jean le mineur