Jean, mineur en Campine.

Le 4 juin, nous nous sommes rendus au charbonnage de Beringen et là, en arrivant sur le carré, nous avons été étonnés de voir quatre cages dans le même puits et 3 étages pour chaque cage. Dans un étage, on y faisait entrer 20 ouvriers mais le plus étonnant était au fond à 889 mètres, on y trouvait une grande chambre d’envoyage avec 5 voies de rails dont une qui longeait le puits. D’un côté, elle déchargeait les ouvriers ayant terminé la pause de nuit et de l’autre côté, elle chargeait les ouvriers faisant celle du matin. Donc, la voie numéro 5 ne servait qu’aux trains qui transportaient les ouvriers vers les fronts de taille. Dans chaque voiture, il y avait 16 hommes. Ces trans étaient nécessaires car les fronts de taille se trouvaient à 5 ou 6 km du puits vers le sud.

À l’étage 721, c’était l’exploitation nord. Nous y allions à pied car le front de taille était beaucoup moins éloigné du puits. Notre premier chef porion était Monsieur Guillet Maurice, ancien courcellois et notre porion, un autre wallon, Monsieur Coppine Léon

Notre première taille mesurait 1 m 80 à 2 m. Là aussi, nous étions étonnés de ne voir que trois étançons par bèle de 3 m. Si un bois de bout de bèle poussait dans le sens contraire au premier bois, la bèle tournait et pouvait provoquer un éboulement. C’est ce qui s’est d’ailleurs produit.

Un jour, le conducteur et le chef porion nous avait demandé de boiser en doublage mais nous, nous avions placé des cayottes en travers des bèles. Il nous donna du renfort, deux autres ouvriers qui sciaient des bois dont on avait besoin.

Il fallait aller très vite car le charbon poussait comme si c’était un dégagement instantané et à ce moment, la pression des terrains était plus forte. Nous sommes restés deux heures après la pause mais nous avions empêché un éboulement. Le boisage de cayottes, une taille en danger comme on nous l’avait appris à Amercoeur nous a valu les félicitations de l’ingénieur.

Nous avons été payés par journée d’étançonnage soit 20 francs de plus qu’à l’abattage. Après plusieurs journées de travail, la taille était en ordre. Chaque jour, nous étions accompagnés par un surveillant, le fils de notre porion. Pendant quelques mois, nous voyagions d’une taille à l’autre pour boiser à la mode d’Amercoeur. Certains jours, nous atteignions les 120 francs. Malheureusement, le vendredi 13 février en 1942, j’ai été surpris par un éboulement imprévisible. J’ai été secouru par mes frères Auguste et Pierre mais aussi par deux ou trois camarades flamands. Ils m’ont été d’un grand secours malgré qu’on ne se comprenait pas. Ils m’ont sauvé la vie. Je suis resté 6 mois à l’hôpital dont 4 mois à la clinique de Heusden et 2 mois à la clinique du professeur Stassen à Montegnée près de Liège. Là, ils m’ont greffé le coude et j’ai gardé mon bras droit.

Je repris le travail au mois d’août. J’ai repris du service comme abatteur de charbon mais je ne savais pas bien me servir d’un marteau piqueur. Avant d’être blessé, on m’avait remis avec mes frères Auguste et Pierre. Ils abattaient le charbon. Moi, je l’évacuais et je boisais. Nous voyagions d’une taille à l’autre mais nous restions toujours ensemble que ce soit au sud comme au nord. Nous avions toujours de bons camarades flamands qui parlaient souvent un peu le français car parmi eux, il y en avait un qui avait travaillé dans les mines de Liège. Pour faire le chemin de Bourg Léopold à la mine de Beringen, nous allions soit à vélo soit en train. Nous n’étions pas trop embêtés par les patrouilles allemandes. Nous leur montrions notre laissez-passer sur lequel était collé notre photo avec l’inscription « Toegangskaart, bezgheid aan de mjn. »

Dans un café, des camarades flamands et moi avions même été arrêtés par les Feldgendarmes à Contrequette (Bourg Léopold). Le lundi matin, nous devions passer devant un officier allemand maison nous avait déjà crié « Alles Deutslands Orbeite » ce qui veut dire « Tous travailler en Allemagne ». Quand l’officier a lu sur notre carte que nous étions des mineurs de fond pendant la guerre, mon camarade René, un flamand et moi avons été libérés. Être des mineurs de fond donc des gueules noires pendant la guerre avait son bon côté puisque nous pouvions ainsi rester au pays et en famille.

À suivre

Jean le mineur

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