
Les premiers jours que j’ai travaillé avec le gros cheval, le chef porion Trigalet venait m’expliquer le travail surtout au moment où je devais arrêter ma rame dans la galerie principale. Là aussi, j’avais l’aide soit de René ou d’Edmond car je n’étais qu’un gamin de 16 ans. Le chef porion m’avait dit que j’avais une chance de ne plus aller dans les tailles si je faisais bien mon travail.
Puis le chef porion m’avait promis que je n’y ‘irais plus dans les tailles si je faisais bien mon travail de conducteur de chevaux. Alors, bien sûr, j’ai fait tout mon possible pour être toujours à temps avec ma rame de chariots au pied du bouveau montant. Pour qu’il ne manque pas de chariots vides au pied de la taille, mon copain Désiré m’aidait pour effectuer toutes les manœuvres nécessaires.
Nous décrochions le cheval puis nous allions le placer et l’accrocher aux chariots pleins. Ensuite, quand la rame était formée, je me plaçais entre le cheval et les chariots. Je posais la main sur la fesse du cheval pour le faire démarrer. Pour monter la petite côte au milieu de la voie, je l’encourageais car il s’arrêtait. J’avais bien du mal pour le faire redémarrer. Si cela arrivait, je devais reculer les chariots les uns contre les autres. J’appelais alors Désiré qui venait m’aider pour repartir toujours en posant la main sur une fesse de Croux, le cheval et je l’encourageais de la voix. Désiré poussait derrière et me voilà qui repartais.
Arrivé dans la galerie principale, je plaçais ma rame sur une seconde voie de croisement et je caressais mon cheval pour le remercier tout en lui donnant une croûte de pain. Ensuite, nous repartions avec notre rame vide vers le plan (bouveau montant).
Quand j’ai revu mon copain Désiré, je lui ai expliqué que si j’étais resté calé avec ma rame dans la grimpette, c’était à cause de mon cheval qui avait glissé dans la boue et comme il fallait reculer les chariots pour revenir dans la partie sèche de la galerie. C’est pourquoi je lui ai demandé un peu de son aide pour repartir.
J’ai fait ce travail une bonne année. Je me plaisais bien car j’avais de bons camarades de travail et dans la voie juste à côté « nord », mon frère Auguste était aussi conducteur de chevaux. Un peu plus loin, en préparatoire sur un devant du bouveau, il y avait mon frère Adolphe âgé de 18 ans. Il était hiercheur. Il chargeait les terres dans les wagonnets mais là aussi où il travaillait il y avait de l’eau et sur un tel travail, les hommes recevaient un peu d’air qui leur arrivait par des buses « canard ». À cause de l’humidité, mon frère Adolphe fut malade et dut être hospitalisé. Donc à 18 ans, il avait déjà perdu sa santé dans ces sales fosses comme disait mon père.
Et voilà que je me décide à aller au bureau voir le conducteur pour lui parler de l’augmentation que le chef porion m’avait promise. Ne recevant pas une bonne réponse, j’ai donné mes 8 jours (mon préavis) le 10 septembre 1938. J’ai quitté le numéro 10 de Forchies à regret car je devais me séparer de mes bons camarades de travail. Mais que voulez-vous, il fallait pour gagner plus d’argent !
C’est ainsi qu’avec l’aide de mon camarade Fernand Bouillon, le 12 septembre 1938, je commençais comme hiercheur au charbonnage d’Amercoeur à Jumet Gohyssart (entre mineurs, on disait l’Avalresse). J’ai débuté en faisant du remblayage dans une taille de 1 m à 1 m 30 de hauteur. C’était une belle taille car il y avait 20 à 30 cm de schiste (escaille) entre la veine du toit et le sillon.
Sur le mur, le poste du matin abattait la veine supérieure charbon. Il plaçait les lombardes (esclaimpes), les bêles aux rallonges de 3 m. Au deuxième poste de 14 h à 22 h, les ouvriers abattaient le schiste avec lequel nous, les hiercheurs, faisions du remblayage.
Bien sûr, au début, c’était très fatigant car je n’avais pas l’habitude de travailler avec l’escaille et toujours à genoux mais lorsque j’ai touché mon premier salaire, j’ai oublié la fatigue. Je gagnais 10 francs de plus par jour au numéro 10 de Forchies la Marche.
L’auteur du texte utilise un vocabulaire propre aux ouvriers mineurs de notre région. Appel est adressé à d’anciens mineurs pour nous expliquer les termes employés.
À suivre
Jean le mineur