Les lendemains de la catastrophe de Trazegnies.

                                                                                                                                              

Un petit rappel s’impose : le lundi 8 mai 1950, le personnel de maîtrise du terril numéro 6 de Trazegnies commence à préparer l’outillage et les ventilateurs car la décision est prise d’ouvrir le mur pour le mercredi 10 mai. Pour des raisons que nous avons déjà expliquées dans nos précédentes explications, divers retards ont empêché l’ouverture au jour prévu ce qui a provoqué la colère du conducteur des travaux, Herman Chapelle. La rage dans l’âme, la décision de percer le mur est reportée au lendemain, c’est-à-dire le jeudi 11 mai 1950 à la pause du matin

Toutes les conditions pour la tragédie qui va s’en suivre sont en place. Yvon Sturbois est un mineur de la pause du matin. Il a 15 ans ! Se trouvant à environ 200 m de l’endroit où l’on va percer le mur, pris de coliques, il décide de se soulager d’un besoin naturel. Il grimpe dans un wagonnet et se hisse ne laissant dépasser que son cuir chevelu.

Au même moment, une violente déflagration s’en suit dans la galerie adjacente. Yvon Sturbois voit une énorme boule de feu se diriger vers lui. Le cuir chevelu brûlé, il réussira à s’extraire du wagonnet complètement épouvanté, les paupières brûlées le rendant momentanément aveugle. En appelant au secours, il rampera à l’aide de ses coudes en se guidant des rails des wagonnets pour finalement tomber dans les bras d’un sauveteur, Pierre Lebacq qui le transportera jusqu’à la cage pour le remonter à la surface.

Le nom de Trazegnies allait s’inscrire en noir comme la couleur du charbon dans tous les journaux du royaume. Au moment du coup de grisou, il était 9 h 22 du matin.

Pierre Lebacq qui avait sauvé le petit Yvon Sturbois raconte : « J’étais au fond à l’étage 570, à 300 m de la taille 27. Tout à coup, j’entendis comme un coup de tonnerre. Le déplacement d’air me plaqua au sol puis je courus vers la cage pour remonter à la surface. Là, je vis un ingénieur et je redescendis aussitôt avec lui. Comme nous arrivions à la taille sinistrée, une chaleur épouvantable régnait et une poussière intense nous empêchait de voir. J’entendis la voix du petit Yvon qui appelait à l’aide. Il avait les yeux fermés, la figure horriblement gonflée mais il était vivant. »

En fait, Yvon, après avoir rampé à l’aide de ses coudes, était passé, sans le savoir au-dessus des cadavres de ses collègues de travail et complètement épuisé, il s’était assis là où Pierre Lebacq l’avait trouvé.

Georges Malfait se trouvait également dans la mine au moment du drame. Il put remonter par ses propres moyens à la surface. Il était blessé à la tête et après avoir reçu des soins, il retournera chez lui dans la matinée. Il avait entendu la déflagration mais il n’avait rien vu

L’annonce de la catastrophe se répandit dans Trazegnies comme une traînée de poudre. Les secours s’organisèrent. Des sauveteurs de la centrale de Ressaix vinrent les rejoindre.

Immédiatement, les grilles d’accès au charbonnage furent fermées et gardées par la gendarmerie. De nombreuses personnes, parents, famille s’agglutinèrent aux barreaux de la grille. La consigne était stricte : personne, hormis le personnel du puits, les sauveteurs, les mineurs appelés par leur service, les ambulances ainsi que les voitures des ingénieurs, du directeur. Personne ne pouvait passer même pas la presse.

À 10 h 30, on commença à remonter le premier cadavre, horriblement brûlé voire calciné. Immédiatement celui-ci fut dirigé vers la remise des bicyclettes improvisée en infirmerie. L’abbé Druart accouru sur les lieux administra déjà un blessé que l’on transporta immédiatement en ambulance vers la clinique Louise de Morlanwelz.

Un aumônier ukrainien était présent aussi. Certains Ukrainiens logeaient encore dans les baraquements du puits numéro 6. Le curé de Trazegnies, l’abbé Thilmans vint aussi sur les lieux dès qu’il apprit la tragédie en même temps que plusieurs médecins des environs.

Dans l’après-midi, un autre rescapé fut remonté à la surface, Julien Roelandts âgé de 17 ans. Il travaillait à l’endroit même où l’on perçait le mur. Personne ne comprendra jamais comment il avait pu survivre à une telle déflagration. Cela restera pour toujours un mystère.

Édouard Noël était affreusement brûlé. Il décèdera à son arrivée à l’hôpital Louise. Sa famille fut la plus éprouvée par la perte d’un époux, d’un fils aîné et d’un beau-frère. La mère allait rester seule avec sept orphelins sur les bras.

À 14 h, la presse put enfin avoir accès auprès des ingénieurs. Les familles durent patienter jusqu’à 16 h.

Un par un, les corps furent remontés à la surface. Ils étaient tous affreusement brûlés et déchiquetés. L’identification allait s’avérer extrêmement difficile. Sur le chemin menant au puits numéro 6, ce n’était plus que des ambulances qui effectuaient la navette mais aussi des corbillards car aussitôt identifiés, les corps étaient remis aux familles.                    .  

À suivre 

Jean, le mineur    

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