Mes réflexions à propos des catastrophes de la mine.

Eh oui la vie continue dans nos charbonnages mais les tueries aussi comme au puits du Péchon en Hainaut :  10 morts en 1952, Zwartberg au Limbourg : 12 morts aussi en 1952, Marcasse en Hainaut : 24 morts en 1953 et la terrible catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle le 8 août 1956 : 262 morts ! Parmi ces victimes beaucoup d’immigrés et une partie de Belges dont Anatole Gonet avec ses deux fils de 14 et de 18 ans. Là aussi, il y a eu erreur et imprudence.

Je n’en dirai pas plus mais ce que j’ai vu et entendu sur place car j’étais présent le 8 août 1956 comme sauveteur dans l’équipe de la centrale de Renaix m’a largement convaincu. Moi je ne suis pas descendu. J’ajoute une liste de bien des catastrophes en Europe mais rien qu’en Belgique, notre population a bien souffert à cause de toutes ces catastrophes. Il ne faut pas oublier que de 1941 à 1945 pendant l’Occupation, on travaillait un dimanche sur deux. Donc on travaillait 13 jours pour obtenir un jour de repos. Après la guerre, les gueules noires ce sont mobilisés au travail pour redresser l’économie du pays. On peut lire dans le livre d’Alexandre Lambrix qu’une femme voyant les mineurs remonter, noirs de charbon et de sueur dit : « Ces hommes transpirent le charbon ! »

C’était bien vrai, madame ! Nous, les gueules noires, on transpirait le charbon à longueur de journée. Au Bois du Cazier, outre les morts, on dénombrait au total 13 survivants, 183 veuves et 392 orphelins. C’est encore la population qui les a aidés à vivre avec les collectes qui arrivaient de partout de Belgique et même de l’étranger.

On a entendu des veuves déclarer : « On a crevé de faim. On a dû vivre avec 3800 francs par mois. Il est heureux que des dons nous sont parvenus de la Croix Rouge. » Et on pouvait aussi entendre dire des survivants : « Pour le reste, bernique ! » comme si l’on jugeait suffisant le fait d’avoir la vie sauve !

Le plus grand nombre de victimes parmi les 262 morts a particulièrement touché les populations belges et italiennes : 136 Italiens, 92 Belges, 8 Polonais, 6 Grecs, 5 Allemands, 5 Français, 1 Anglais, 1 Hollandais, 1 Russe et 1 Ukrainien

J’ai visité plusieurs expositions sur des mines et le travail des mineurs. Cela se passait dans des écoles ou dans des librairies, un peu partout dans le bassin de Charleroi

J’ai entendu des hommes ou des femmes expliquer le travail au fond des mines. Mais beaucoup de ces gens ne sont jamais descendu au fond pour donner vraiment de explications aux jeunes car beaucoup de professeurs, d’instituteurs et d’institutrice amenaient leurs élèves visiter ces expositions pour mieux leur faire comprendre le dur travail des gueules noires du Pays noir. J’ai souvent pris la parole pour bien expliquer l’exploitation du charbon. Une fois, après avoir écouté un homme qui parlait des catastrophes, des coups de grisou, et des 136 Italiens morts au Bois du Cazier, j’ai pris la parole et j’ai dit : « Excusez-moi, Monsieur, mais au Bois du Cazier, ce n’était pas un coup de grisou mais c’est le feu qui a tué et vous oubliez aussi de dire qu’il y avait 262 victimes dont 92 Belges et autres nations. » Et bien, je suis resté ébahi qu’il m’ait répondu qu’il ne savait pas. Alors, tous les élèves, instituteurs et institutrices se sont tournés vers moi. Pendant 40 à 45 minutes, je leur ai donné des explications.

Cela m’est arrivé dans plusieurs expositions. Voilà la raison pour laquelle je me suis décidé d’écrire : pour bien expliquer le coup de grisou du numéro 6 à Trazegnies le 11 mai 1950. Là aussi, bien des gens de Trazegnies et des environs me parlent soit de leur père ou grand-père qui a été tué de telle ou telle façon ou me disent qu’on les a obligés à aller travailler à la taille 27. Alors chaque fois, je donne des explications, voilà pourquoi j’ai pris la décision d’écrire mes mémoires.

Moi, Jean-Baptiste Sturbois déclare sur l’honneur que tout ce que j’ai écrit est vrai puisque je l’ai vécu.

La plus grande catastrophe de tous les temps reste cependant la silicose qui continue de tuer des mineurs tous les jours

Jean-Baptiste Sturbois 

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