
Les jours suivants, on pouvait lire dans certains journaux : « La catastrophe minière de Trazegnies est-elle due à des négligences ? » J’ai toujours dit oui. « Destin cruel », diront certains qui ne voient dans toute catastrophe que la main brutale de la fatalité. Mais le destin n’est pas toujours la cause des malheurs qui nous accablent et ceux-ci sont souvent dus à des erreurs ou à des négligences. On invoque tous ces facteurs : fatalité, erreur, imprudence, ou négligence.
Il semble, en effet, qu’une grave imprudence aurait été commise au puits numéro 6 des charbonnages de Mariemont Bascoup puisque le contrôle régulier de la composition des gaz donna aux dirigeants et responsables du puits la conviction que le grisou avait disparu tout au moins en partie. Mais le coup de grisou du 11 mai 1950 leur a démontré qu’ils avaient tort.
Pourquoi ont-ils choisi un jour de travail et au premier poste ? C’était la pause où il y avait le plus d’ouvriers au fond d’autant plus que le lundi 8 mai était une journée de chômage et les porions et chefs porions devaient travailler à l’entretien. Donc pas de chômage pour les hommes payés au mois ? Pourquoi ne pas avoir décidé de percer le mur au troisième poste. La nuit, il n’y avait que 10 à 12 hommes dans la taille et non 40 hommes comme au premier poste
Mais voilà certains hommes croient qu’ils ne sont pas remplaçables et qu’eux seuls sont compétents. C’est ainsi que même pensionnés avec plus de 30 années de travail au fond, certains continuent à travailler et se font tuer sans avoir pu profiter un seul jour de leur pension. Ils ont voulu faire plaisir aux patrons charbonniers et à Achille Van Acker pour gagner la bataille du charbon. Ils ont donné leur vie et entraîné celle de nombreux autres.
Voilà j’ai expliqué la catastrophe telle que je l’ai vécue avant et après le coup de grisou. Il y avait aussi un ami sauveteur guide et porion au puits numéro 6 qui a énormément travaillé pour sauver des hommes et qui est mort peu après. Il ne revint plus au travail car il était très atteint par les poussières. Il se nommait Joseph Debacker et c’est moi qui l’ai remplacé comme sauveteur – guide. J’ai gardé ce poste à la centrale de secours de Ressaix pendant 10 ans.
Et oui, la vie continue dans le charbonnage mais les tueries aussi.
A suivre
Jean le mineur