La Flandre se mobilise contre les fast-foods à la campagne : la Wallonie est-elle à la traîne ?

Selon la presse flamande, la chaîne de restauration rapide McDonald’s se heurte à ses limites dans les villes et se tourne vers les zones rurales. Le procédé n’est pas neuf, les grandes enseignes ont déjà tenté l’expérience en France. Mais ce que les chaînes de fast-food n’avaient peut-être pas prévu, c’est qu’elles se heurtent de plus en plus à des protestations dans les petites villes. Plusieurs communes flamandes se sont mobilisées – citoyens et autorités locales – pour tenter d’empêcher l’arrivée des géants de la « junk food ».

Le dossier a pris de l’ampleur en avril dernier après la publication d’une étude régionale de Sciensano. L’Institut belge de Santé Publique a cartographié l’évolution du paysage alimentaire flamand en avril 2023. Il en ressort que le nombre de personnes vivant dans des quartiers où il y a une majorité d’enseignes de « malbouffe » a augmenté par rapport à 2008. On y apprend notamment que le lien entre poids des enfants et nombre de chaînes de restauration rapide proche des écoles est bien réel, ou encore que neuf Flamands sur dix vivent dans un quartier où il est plus facile de trouver une alimentation malsaine qu’une alimentation saine. Face à ces constats, la ministre flamande de l’Économie, Hilde Crevits, a décidé de lancer une étude. Le but, selon De Standaard, est de créer un cadre pour donner les outils aux bourgmestres de dire non à l’arrivée de ces nouveaux restaurants sur leur sol.

Wallonie, terre de « malbouffe » ?

Si les mobilisations sont nombreuses au niveau local en Flandre, elles semblent moins importantes en Wallonie. À Jambes, dans l’entité de Namur, un moratoire pour empêcher l’arrivée de nouveaux fast-foods a été mis en place par la commune, suite à l’implantation effrénée de plusieurs enseignes dans une zone restreinte le long d’une route. Mais ce type d’initiative semble plutôt solitaire pour l’instant. Seuls des comités de riverains se mobilisent parfois, comme ça a été le cas à Waterloo par exemple. Plusieurs petites communes ont donc vu l’arrivée d’un fast-food ces dernières années, et de nombreux projets sont en cours. À Binche ou Éghezée par exemple, on se félicite de l’arrivée de ces nouvelles enseignes. À Ath ou Walcourt, des projets sont en cours et attendent la réaction des citoyens.

L’argument défendu par les autorités locales est souvent celui de l’emploi. Problème, selon les spécialistes, ces emplois sont contrebalancés par la concurrence déloyale exercée sur les commerces locaux : « Les fast-foods ont un système de fonctionnement qui n’est pas celui d’un établissement normal, explique Luc Marchal, porte-parole de la Fédération wallonne de l’Horeca. Ce sont des centrales d’achat, des cuisines centrales et autres. Et ça ne contribue en rien à la vie locale. Ça ne fait pas vivre les petits producteurs. Nous connaissons tous des friteries qui travaillent avec les pommes de terre d’un fermier du coin, avec les hamburgers de la boucherie, le pain qui vient de la boulangerie. Certes, ce n’est pas le cas dans tous les snacks ni dans toutes les friteries, mais c’est quand même une tendance qui s’est installée. Le fast-food ne va jamais procéder de la même façon puisqu’à tous les niveaux, il y a une économie d’échelle. »

Autre aspect, la concurrence déloyale : « Les fast-foods font une concurrence au snack friterie, parce qu’ils parviennent à avoir des prix qui sont inférieurs à ce que l’on trouve dans des snacks friterie où évidemment, il n’y a pas cette économie d’échelle. Et puis, l’autre gros souci, c’est l’importance du marketing. Ces entreprises ont une force de frappe que les petits restaurateurs locaux n’auront jamais », ajoute Luc Marchal.

En Flandre, l’argument des déchets fait aussi débat. Là aussi, la Fédération Horeca réagit : « C’est vrai qu’aujourd’hui, les fast-foods, tout comme tous les établissements Horeca et autres d’ailleurs, sont tenus d’utiliser des emballages soit réutilisables, soit biodégradables… Mais ça pollue énormément, d’autant plus que ces établissements ont énormément de clients et donc énormément de déchets. »

L’environnement, un facteur déterminant sur la prise de poids

Les facteurs expliquant la prise de poids des Belges sont évidemment la génétique et la sédentarité mais depuis plusieurs années, les chercheurs et chercheuses étudient l’impact de l’environnement sur les habitudes alimentaires. « L’obésité est en nette majoration, analyse Caroline Dal Pont, chirurgienne digestive et bariatrique au CHRSM-site Meuse à Namur. On voit bien que sur les 20 dernières années, elle a presque doublé dans le monde. En Europe également la population, donc les enfants, est touchée. Malheureusement avec un enfant sur cinq qui est en situation de surpoids, c’est vraiment devenu un problème de santé publique. »

La médecin rappelle les causes multifactorielles de l’obésité : « On sait effectivement que c’est plurifactoriel. L’obésité, peut être due à un niveau éducationnel parfois un peu plus bas, à la sédentarité, à des problèmes héréditaires, mais aussi à des facteurs émotionnels et de stress. Mais ce que l’on constate aussi c’est que l’environnement joue un rôle particulier. (Les fast-foods) sont de plus en plus proches de la population. Aujourd’hui, les jeunes sortent manger dans un fast-food sur leur temps de midi. Si cela se rapproche encore, et arrive dans nos villages, j’ai peur que ces enseignes soient présentes dans nos vies en continu. D’autant plus que le marketing est fait pour attirer vraiment la population jeune et jeunes adultes. »

Contacté, le tout nouveau ministre wallon de la Santé Yves Coppieters dit prendre le dossier en main dès la rentrée, et annonce un grand plan de lutte contre l’obésité en Wallonie.

Info par Maïté Warland

Extrait de RTBF.be

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