Le racisme anti belge à Fourmies.

Les étrangers peuvent aussi servir de boucs émissaires aux gouvernements pour détourner la colère de leurs électeurs et couvrir leurs responsabilités. Ce fut le cas à Fourmies.

Fourmies est une petite ville du département du Nord à quelques kilomètres de la frontière belge. C’était, au 19e siècle, un important centre lainier. La concentration industrielle y était très forte impliquant la disparition de multiples ateliers de petites et moyennes importances et favorisant la constitution de fortes unités de production en réponse aux crises des méventes des produits fabriqués dans la région.

Comme d’habitude, ces concentrations industrielles s’accompagnaient de baisses de salaires et de licenciements sans l’adoucissement de mesures de secours pour les chômeurs. En 1891, le mécontentement ouvrier atteignit un paroxysme dans les filatures. De plus, les conditions de travail au nom de la productivité et de la rentabilité se détérioraient sans cesse. Le travail des enfants, surtout, étaient long et pénible.

La manifestation du 1er mai fut l’occasion de déposer un cahier de revendications. Cette manifestation était imposante car elle répondait vraiment à un vœu de changement des conditions de travail. Comme de coutume, les patrons laniers firent appel à la troupe pour suppléer la gendarmerie toujours insuffisante, mais aussi pour garantir les biens matériels. Les événements 1886 dans la région de Charleroi étaient encore tout frais dans la mémoire patronale.

Nous avons déjà relaté le bilan de la répression sanglante qui s’ensuivit : neuf tués et plus de trente blessés dont des enfants. Ces excès de brutalité émurent profondément l’opinion publique même bourgeoise. Qui était responsable ?

Le gouvernement français qui était, par ailleurs, en butte à des soucis du même ordre dans d’autres parties de la France, dans le Midi notamment, couvrit les patrons et l’armée. Il stigmatisa les agitateurs socialistes et surtout les étrangers et plus particulièrement les Belges qui introduisaient en France des idées subversives. Le 5 mai 1891, « Le Mémorial de la Loire » écrit : » On dit que la majorité des gens de Fourmies sont des Belges qui prétendent, comme au Congo, faire la loi chez nous. Je le crois volontiers car comment comprendre que des Français aient se conduire de façon aussi sauvage vis-à-vis des soldats dont le seul tort était de faire leur devoir et d’assurer l’ordre et la liberté. Les pays du Nord fourmillent d’ailleurs de Belges. »

Ne pourrait-on tracer, ici encore, un parallèle avec les journaux d’extrême droite ou apparentés qui crient au danger de l’islamisation de notre société ? À la fin des années 40, il était courant pour les jeunes Belges de passer la frontière pour fréquenter les bals musette, C’est là que nous fûmes surnommés pour la première fois des « Popols » par les jeunes Fourmisiennes.  

Pressés de questions sur l’origine de cette appellation, nos aînés nous ont appris, que, à la fin du 19e siècle, suite aux incidents que nous avons rappelés, le roi Léopold II avait rendu visite à ces ressortissants travaillant dans les filatures pour les exhorter à abandonner leurs idées revendicatrices. Par la suite, on appela les ouvriers belges « les Popols » et le surnom resta.

Fourmies n’avait pas le monopole du racisme anti belge. En Lorraine, où de nombreux compatriotes travaillaient dans les mines de fer, un certain climat xénophobe y était aussi entretenu. Une chanson fut même composée qui disait, sur un air martial repris d’un lied allemand :

Alli, allo
Les Belges sont des salauds
Alli, allo
Qui baisent les Françaises
Alli, allo,
Les Belges sont des salauds.
Alli, allo,
Ils boivent tout not’ pernod.

Ces accusations de s’emparer des filles n’est pas nouvelle. Elle pouvait d’ailleurs se retourner contre les Français. Dans les régions frontalières, il n’est pas rare de voir des membres d’une même famille avoir des nationalités différentes. Beaucoup de travailleurs frontaliers avait la double nationalité, conséquence des mesures d’intégration que le gouvernement français avait édictées au 19e siècle. Ce fut le cas à Rance où des ouvriers travaillant dans les filatures de Trélon ou de Fourmies étaient belges dans leur village mais français dans les usines ainsi que l’attestent les carnets de travail.

Roger Nicolas
A suivre

Laisser un commentaire