Les émigrés belges (suite n° 3)

Ainsi donc voici un exemple prouvant que les Belges ont eu la possibilité d’exister par leur travail. Faut-il rappeler que dès le 16e siècle, beaucoup de nos compatriotes durent s’exiler pour garder le droit d’exercer librement leur religion, ce qui se renouvela au 17e siècle. Durant cette période, nombre de nos « ferons »  (travailleurs du fer) durent quitter la Belgique (qui formait alors les Pays-Bas) pour la Suède afin de pouvoir exercer leur métier de manière plus rentable. N’oublions pas non plus les migrants belges du 18e siècle vers les Indes, ceux du début du 20e vers l’Amérique du Nord, ceux qui furent envoyés par le gouvernement belge dans des essais de colonisation au Brésil et en Amérique centrale. Ce fut aussi le cas au Guatemala où leurs descendants quoique devenus guatémaltèques gardent des noms de famille bien de chez nous (Dupuis, Vanderest, Meunier etc …). Quant à l’immigration belge vers l’Afrique centrale, elle ne fut jamais que temporaire et loin d’être une œuvre de civilisation. Elle fut surtout une entreprise commerciale marquée dès le début par de nombreux excès.

Revenons à nos immigrés arrivant en France. Ils trouvaient du travail et vivaient au sein d’une population dont tout les rapprochait (langue, culture, nourriture, religion). Ils avaient donc tout pour être contents et être facilement assimilés mais …

A l’origine, la Révolution de 1789 en France issue des principes de liberté, de fraternité et d’égalité entre tous les hommes formulés par les encyclopédistes et les réformateurs du siècle des Lumières accordaient les mêmes droits aux étrangers vivant en France qu’aux concitoyens français.

Par la suite, la guerre contre l’Autriche, la Prusse et l’Angleterre favorisa la suspicion envers ces étrangers qui pouvaient menacer l’unité de la République « une et indivisible ».

L’idée de nationalité allait aussi permettre à tous les provinciaux d’hier (Languedociens, Provençaux, Bourguignons ou Bretons) de ne plus former qu’une seule nation qu’il serait alors plus facile de défendre ensemble. Des droits exclusifs sont ainsi attachés à cette notion de nationalité et, par la suite sont opposables à ceux qui se réclament d’une identité étrangère.

Durant la période de la moitié du 19e siècle que nous avons évoquée, le gouvernement français trouva avantageux d’incorporer les travailleurs d’Outre Quiévrain qui ne causaient pas de troubles et avaient utilement comblé le creux démocratique que connaissait la Troisième République. Ils furent invités à s’installer en France avec leur famille. Les avantages de la qualité française leur était concédée. C’est ainsi que vers le milieu du 20e siècle, à Maubeuge pour ne citer que cet exemple, la moitié des familles étaient d’origine belge. Cet état de choses était semblable à Roubaix, Tourcoing et dans de moindres mesures dans les régions proches de la frontière belge en Lorraine par exemple.

Mais cela ne va pas sans mal. Les répercussions des crises économiques cycliques, le chômage, la surproduction, l’effondrement des prix de vente, la diminution des salaires, les sauvages fermetures d’entreprises créant des déserts économiques, caractéristiques du capitalisme brutal suscitent malaise social et grogne parmi les travailleurs. Des opposants au régime en profitent et tentent de canaliser ces éléments en les dressant d’abord contre l’étranger « celui qui vous prend votre pain en même temps que votre emploi ». Pour mobiliser ainsi les ouvriers, il faut se servir de formules simples même simplistes et les répéter sans cesse et très fort jusqu’à ce que celui qui les assimile soit convaincu que c’est la pure vérité.

Les forces d’extrême droite d’aujourd’hui ne procèdent pas autrement. L’étouffement de la pensée par le slogan s’accompagne en général, de rumeurs « L’étranger est favorisé. On lui donne les meilleures places et les plus grands avantages. On ferme les yeux sur ses excès. » Cela marche toujours et pourtant nous nous piquons d’être instruits, civilisés. La radio, la télévision, les journaux et magazines nous abreuvent d’informations mais aucune ne contient la vérité complète que nous n’essayons même plus de reconstruire. Alors jugez de la facilité avec laquelle ces mêmes notions pouvaient bourrer le crâne des gens dépourvus de moyens d’informations ou incapables de se confronter à la réalité.

De plus, à cette époque les conditions dans lesquelles vivaient la classe ouvrière et les agriculteurs étaient littéralement épouvantables. Comme les Belges étaient là à se retrouver ainsi dénoncés, comme profiteurs de la misère des Français, ils étaient souvent pris à partie. On les surnommait des « pots d’ beur ». Comme leurs familles sont restées au pays, on les décrit comme batailleurs, enclins à débaucher les femmes. Ils jouent facilement du couteau, paraît-il. Ils sont dangereux. Cela ressemble, étrangement à ce qu’on disait des Italiens des Polonais, chez nous, il y a quelques décades.

À suivre

Roger Nicolas

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