Mais que mangeait le peuple ?

Il n’était pas question pour nos journaliers de la terre ou nos ouvriers des minières de participer à toutes les joyeusetés de la table.

carvi

Du temps des Gaulois, beaucoup de nos plantes potagères et céréalières étaient cultivées. Dans les clairières vivaient des troupeaux d’animaux domestiques comme les porcs, les moutons, les bœufs. Cependant, ce n’est qu’au cours d’une longue période de christianisation de nos contrées que l’agriculture et l’élevage progressèrent. Des communautés chrétiennes se créèrent, des églises s’élevèrent, des évêques s’installèrent et des moines défricheurs organisèrent des fermes modernes. Des marais furent asséchés. On ne peut donc nier l’action exercée par l’Église sur le développement et l’amélioration de l’agriculture et de l’élevage. Malheureusement, seules les abbayes et les monastères en profitaient et s’enrichissaient. La perception de la dîme à laquelle s’ajoutaient les corvées et toutes sortes de charges touchaient durement les paysans.

Les terres que le clergé ne possédait pas relevaient alors des seigneurs (fiefs du roi, des comtes et de leurs vassaux. Les habitants de ces terres, (les serfs) devaient alors des prestations en nature ou en espèces aux seigneurs ou lorsqu’ils étaient « libres » payaient cens, tailles, aides et autres redevances.

Pendant la période qui suivit, du 10e au 15e siècle, l’agriculture n’évolua pas et en certains endroits régressa. Les techniques s’améliorèrent à peine et comme la population des campagnes croissait rapidement, les récoltes devenaient insuffisantes. Des famines et des épidémies causaient des hécatombes.

Comme si cela n’était pas suffisant, un événement important amena des ravages énormes dans notre pays. La guerre de 100 Ans opposa la France et l’Angleterre de 1337 à 1453. Elle eut des répercussions désastreuses chez nous et provoqua la ruine totale dans nos campagnes déjà misérables. C’est alors qu’éclatèrent de nombreuses révoltes de paysans auxquelles se joignent de nombreux ouvriers des carrières et des mines. C’est à cette époque que les ouvriers des minières de Morialmé organisèrent une grande grève pour l’amélioration de leur salaire, des conditions de travail et de nourriture. Elle fut célèbre et victorieuse. Ce fut la première grande grève organisée par les travailleurs en Europe. 

Des bandes d’affamés se formaient afin de rançonner les abbayes et les châteaux. Hélas, comme on le disait auparavant, ces bandes étaient bien souvent vite réprimées (voir à ce sujet le film Jacquou le Croquant). Pour vivre, les paysans n’avaient donc que leur lopin de terre qu’ils avaient appris à cultiver pour obtenir, à partir des herbes ou des plantes sauvages, de véritables légumes mais encore bien grossiers : oignons, panais, carottes, fèves … qu’ils mangeaient à l’état brut se bornant à assaisonner leurs seuls féculents de graines de fenouil et de carvi* accompagnées d’ache** et de cresson recueillis au bord des ruisseaux. Leur plat de consistance était fait de bouillies de céréales et d’épinards. Quand leurs maigres picaillons leur permettaient d’acheter de la viande, les paysans pauvres la mangeait le plus souvent bouillie mais parfois rôtie. Pour rôtir, le morceau de viande était embroché sur une baguette de coudrier et présentée sur les braises de feu de bois en pleine air. C’est toute la famille qui se trouvait alors autour du feu pour cuire chacun son morceau un peu à la façon des charbonniers. Comme la viande était rare pour les petites gens et que le mineur de fer avait besoin de force pour accomplir son dur travail d’extraction, on avait recours au braconnage bien que celui-ci soit strictement interdit. Quand un braconnier se faisait surprendre, il encourait des peines sévères qui allaient de la bastonnade à la pendaison suivant l’humeur du seigneur.


Ache

Pour accompagner ses repas, les populations ne buvaient que de l’eau claire puisée à la fontaine. La bière ou l’alcool n’existaient que les ouvriers devaient repasser par le comptoir du cabaret du propriétaire de la mine. C’est là qu’il devait aussi s’approvisionner en pain et autres victuailles de l’époque. Le grain, quand on en avait, devait être moulu au moulin du patron contre redevance, bien sûr. On ne pouvait pas se rendre au marché d’une autre circonscription que celle où l’on habitait. Un habitant de Saint-Aubin devait se rendre au marché de Florennes et non de Philippeville sous peine de sanction.

Bien triste et dure époque que vivaient nos aïeux au Moyen-Âge et sous la férule de la bourgeoisie qui naissait. Si nous vivons sensiblement mieux, c’est grave aux luttes menèrent nos pères et mère. À nous d’être vigilant car notre système pourri, criminel et décadent ne rêve que revenir en arrière comme ce fut le cas dans l’ex-Union Soviétique.

  • *Carum carvi, le Carvi ou Cumin des prés, est une espèce de plante herbacée bisannuelle de la famille des apiacées (Ombellifères), cultivée pour ses feuilles .
  • **Ache : plante ombellifère dont une variété est le céleri.

Décembre 1997

Roger Nicolas

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Références :

  • L’industrie du fer dans le pays de Couvin et de Chimay et l’histoire régionale de Rance
    Extraction et travail du fer dans le Florennois au cours des âges – Florinas numéro n°4 1957 
  • La sidérurgie en Hainaut avant et pendant la période romaine – Willy Staquet
  • Diverses coupures de journaux du CHAM
  • L’industrie du fer dans les localités du comté de Namur et de l’Entre Sambre et Meuse de 1345 à 1600- Alphonse Gillard
  • Histoire du mouvement ouvrier en Belgique – Jean Neuville
  • L’histoire du Moyen-Âge édition de Moscou 1976
  • Histoire de Marcinelle de Louis Claude
  • Recherches des archéologues du CHAM.
  • Frameries dans le passé de Florent Ruelle

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