Qui sont les pays qui ont déjà reconnu l’État palestinien, et pourquoi ?

« Palestine vivra » diplomatiquement ?

Pays ayant reconnu la Palestine en 2012

Le 22 mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont annoncé leur décision de reconnaître l’État palestinien, dans l’espoir d’entraîner d’autres pays à faire de même. 142 pays l’ont déjà fait, dans quatre vagues de reconnaissances bien distinctes.

La reconnaissance de la Palestine en tant qu’État est un chantier pluri décennal. Le 22 mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont annoncé leur décision de reconnaître l’État palestinien dans l’espoir d’entraîner d’autres pays à faire de même. Avec ces trois nouveaux soutiens, le compte des pays ayant reconnu l’existence de l’État palestinien monterait à 145 sur les 193 États membres de l’ONU, selon le décompte réalisé par l’Autorité palestinienne. Mais de quand datent les 142 premières reconnaissances, qui les ont faites, et dans quel contexte ?

La vague d’Alger

C’est l’Algérie qui a ouvert le bal, le 15 novembre 1988. Pourquoi ? Parce que c’est à Alger, ce même jour, que le Conseil national palestinien a déclaré l’indépendance de la Palestine. Lunettes sur le nez, keffieh traditionnel sur la tête, Yasser Arafat a annoncé, au cœur d’Alger la blanche, la « naissance » de l’État, avec pour capital « Jérusalem la Sainte », tout en appelant à une solution de paix avec Israël. Dans son discours conclusif, le leader historique de la Palestine appelait les autres États à le soutenir.

En quelques jours, 75 États suivent l’exemple d’Alger, la « capitale de la révolution ». Ces pays sont principalement ceux de la ligue arabe, les pays africains et asiatiques et certains pays du bloc de l’Est. Parmi cette alliance de non-alignés, on retrouve des mastodontes tels que l’URSS, qui vit ses dernières heures, mais aussi la Chine, la Corée du Nord ou encore l’Iran, un an plus tard, en 1989. Globalement, ce sont des pays non-occidentaux qui accordent leur soutien à l’État indépendant, avec, pour beaucoup, une volonté de s’opposer à la politique internationale de Washington, soutien historique d’Israël.

C’est aussi l’Algérie qui a permis à la Palestine d’accéder à l’Unesco et ses programmes d’aides, en 2011. En 2012, la Palestine devient État observateur non-membre de l’ONU, neuf pays ont voté contre : les États-Unis, Israël, le Canada, la République tchèque, les Îles Marshall, la Micronésie, Nauru, les Palaos et le Panama.

La deuxième vague.

Les années 1990 marquent un relatif creux dans l’évolution du nombre de pays qui reconnaissent l’État palestinien, malgré la signature des accords d’Oslo le 13 septembre 1993. Entre le début de la décennie et la fin de l’année 2004, seuls 13 pays ont apporté leur reconnaissance, principalement des pays d’Asie centrale, comme le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, mais aussi feu la Bosnie-Herzégovine. L’Afrique du Sud, en retard sur le reste des pays africains, a reconnu l’État en 1995. Ce geste diplomatique fort est le résultat de l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, fidèle soutien de Yasser Arafat, en 1994.

Mais une réelle deuxième vague diplomatique se fait sentir à partir de 2005, avec la reconnaissance de la Palestine par le Paraguay, qui ouvre la marche aux pays d’Amérique du Sud. Le Nicaragua et Cuba, sous l’impulsion de son leader Fidel Castro, avaient déjà fait la démarche en novembre 1988. En 2008, le Costa Rica suit, puis le Venezuela et la République dominicaine en 2009. Entre 2005 et 2013, la quasi-totalité des pays sud-américains accordent leur reconnaissance officielle à l’entité palestinienne. Dans la revue Mouvements, en 2013, la politiste brésilienne Cécilia Baeza analyse cet alignement des pays du Sud du continent américain comme « un moyen de mettre en scène leur autonomie en matière de politique étrangère, et plus largement, d’exister sur la scène internationale ». Les voisins sudistes des États-Unis ne sont plus le pré carré de Washington.

C’était une première pour un pays membre de l’Union européenne : le 30 octobre 2014, le royaume de Suède, alors gouverné par la gauche reconnaissait la Palestine, espérant que d’autres démocraties libérales lui emboîtent le pas. Ce fut le cas en 2015, par un État qui n’est clairement pas le plus puissant, mais vaut son poids de symboles : le Vatican. Le Saint-Siège a depuis plusieurs fois rappelé son soutien à la solution à deux États. En 2014, une résolution du Parlement européen, réuni en session plénière, a également appuyé « en principe la reconnaissance de l’État palestinien et la solution des deux États, et estime que celles-ci devraient être concomitantes au processus des pourparlers de paix, qui devrait être mis en marche ».

Depuis le 7 octobre.

Depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, et la répression israélienne sanglante qui a suivi, avec ses dizaines de milliers de morts dans la bande de Gaza, la question de la reconnaissance par les États européens est de retour, avec une volonté d’ajouter de la puissance diplomatique aux demandes de cessez-le-feu.

En 2024, la Palestine a été officiellement reconnue par la Barbade, la Jamaïque, Trinité et Tobago et les Bahamas. C’est à ces gestes diplomatiques que viennent s’ajouter ceux de l’Espagne, de l’Irlande et la Norvège, qui reconnaîtront officiellement l’État palestinien le 28 mai, accélérant la potentielle reconnaissance d’autres pays du vieux continent. Depuis l’annonce des trois Européens, le 22 mai, la Slovénie a fait savoir qu’elle avait également déclenché une procédure dans le même sens.

Pour l’instant, Paris joue la montre, et considère que le temps de la reconnaissance n’est pas encore venu. Le 16 février dernier, lors de la visite officielle du roi Abdallah II de Jordanie à Paris, Emmanuel Macron a redonné la position nationale : « La reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un tabou. » Reste à savoir quand l’hypothèse deviendra réalité.

Par Antoine Margueritte

Extrait de Marianne

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