« L’histoire le jugera sévèrement » : Varoufakis sort la sulfateuse pour enterrer Schäuble

Yanis Varoufakis

 Alors que Wolfgang Schäuble s’est éteint le mercredi 27 décembre, celui qui était le ministre des Finances grec au plus fort de la crise en 2015, Yanis Varoufakis, a pris la plume pour revenir sur ce que représentait son ancien homologue allemand, symbole de la politique de rigueur budgétaire européenne… au mépris des peuples.

Ce n’est pas une réaction, c’est déjà un enterrement. L’ancien ministre des Finances du gouvernement d’Aléxis Tsípras, Yanis Varoufakis, en poste au plus fort de la crise grecque de 2015, s’est exprimé après l’annonce de la mort de Wolfgang Schäuble. Les deux hommes se sont affrontés des mois à couteaux tirés, quand le premier réclamait un peu d’air pour son pays asphyxié socialement et économiquement, tandis que le second semblait prêt à le sacrifier sur l’autel de l’orthodoxie budgétaire.

Yanis Varoufakis a fini par démissionner de son ministère au lendemain du référendum grec du 5 juillet sur l’accord avec l’Union européenne, malgré la victoire du « non » qu’il défendait, au moment où Athènes s’apprêtait à céder aux conditions allemandes. Et il n’en a rien oublié. Ainsi, au moment d’évoquer sur son site la mort de l’ex-ministre des Finances allemand, Yanis Varoufakis l’a défini comme « l’incarnation même du projet politique de soutien à l’union monétaire » avant de préciser… que Wolfgang Schäuble « n’y croyait pas lui-même ».

Wolfgang Schäuble

L’occasion pour Yanis Varoufakis de revenir sur l’œuvre de celui qui fut ministre pendant douze ans dans un pays où on l’a surnommé « Père la rigueur » À commencer par son action consistant à « imposer une violente austérité » économique en Allemagne et à « démanteler les institutions démocratiques dans des pays comme la Grèce ».

« C’est mauvais pour votre peuple ».

 « En d’autres termes, Schäuble personnifiait la contradiction explosive qui a donné naissance à la fois à la crise de l’euro et aux politiques pour la combattre – des politiques qui ont conduit, d’une part, à l’appauvrissement de la Grèce et, d’autre part, à l’actuelle désindustrialisation de l’Allemagne et au glissement de l’Europe dans l’insignifiance géopolitique », dénonce Yanis Varoufakis dans son court brûlot consacré à cet homme d’État européen adepte de l’ordolibéralisme. Avant de conclure sur une phrase assassine : « L’histoire le jugera sévèrement, mais pas plus durement que ceux qui ont succombé à son projet et à ses politiques désastreuses ».

L’ancien ministre grec en profite pour accompagner son réquisitoire de deux extraits de son ouvrage Adults in the room, publié en 2017 – avant d’être adapté au cinéma par le réalisateur Costa-Gavras deux ans plus tard. Ce récit est consacré aux arcanes des instances politiques et financières.

L’opportunité pour Varoufakis de mettre en avant deux propos rapportés particulièrement saillants et qui résument à eux seuls toute la doctrine de Schäuble. « Les élections ne peuvent pas être autorisées à changer la politique économique », avait-il ainsi déclaré en 2015. Une phrase à l’unisson de l’ancien président de la commission européenne Jean-Claude Juncker qui avait déclaré au même moment : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

Autre anecdote marquante rapportée par l’économiste grec. Pendant les négociations, ce dernier avait un jour tenté de creuser le fond de la pensée de Schäuble. « Je dois vous demander d’oublier pendant quelques minutes que nous sommes des ministres. Je veux vous demander votre avis (…) Signeriez-vous le protocole d’entente, si vous étiez à ma place ? » Varoufakis était alors loin de s’imaginer la teneur de l’improbable réponse : « En tant que patriote, non. C’est mauvais pour votre peuple ». Sans vergogne aucune.

Par Marion Rivet

Extrait de Marianne

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