Les Chevaliers du Travail après la naissance du P.C.B.

Au lendemain de la guerre 14-18, les ouvriers mineurs du Pays de Charleroi adhèrent en masse à la Centrale syndicale reconstituée avec Lombard comme président et toujours Falony comme secrétaire, Centrale qui compte en mars 1919: 12.005 membres.  Deux sections vont cependant marquer leur opposition au congrès de janvier: celle de Montignies-sur-Sambre et celle de Roux-Aiselies.  D’autres affichent leur autonomie.  De petites cellules syndicales regroupent les « disciples de Jean Callewaert ».

Jean Callewaert est mort trois jours avant l’Armistice.  Sa succession s’avère difficile.  C’est son autorité et son prestige qui préservaient l’unité des Chevaliers du Travail.

Francis Poty8 fait à ce propos le commentaire suivant:

Dans le Bassin de Charleroi, l’adaptation aux nouvelles structures se révèle plus délicate qu’en d’autres lieux.  De nombreux mineurs restent marqués par l’esprit de localisme qui puise ses sources dans l’histoire de l’Ordre des Chevaliers du Travail.  La guerre n’a pas effacé les souvenirs, les habitudes héritées de ces temps déjà lointain où chaque union de mineurs vivait dans le secret, repliée sur elle-même.  D’aucuns se souviennent encore des rites mystérieux qui faisaient des K of L. une franc-maçonnerie pour ouvriers.  La guerre n’a pas effacé leur nostalgie du passé, leur opposition au centralisme.

Naissance du Parti Communiste au Pays de Charleroi.

(Francis Poty, « Rouge et Noire – 1-Histoire de la démocratie et du mouvement ouvrier au Pays de Charleroi », Editions du P.A.C. de Charleroi, 1979, Tome 11, p. 96.)

Henri Glineur, Mandelier, Byloo, Leclerq et d’autres fondent en septembre 1920 la première section communiste du pays de Charleroi, laquelle est présidée par Henri Glineur.

Ecoutons Henri Glineur à ce propos:

Au Pays Noir, dans nos communes ouvrières du Pays de Charleroi, les événements qui avaient précédé la guerre de 1914, et cette guerre elle-même, avaient, comme dans les autres régions industrielles du pays, jeté un certain désarroi parmi les travailleurs révolutionnaires.  Ceux-ci avaient rallié jadis avec confiance les rangs du P. 0. B. mais ils s’apercevaient que la politique suivie par celui-ci n’était plus socialiste, n’était plus révolutionnaire.

En 1918, lorsque le P.O.B., ses syndicats, ses Jeunes Gardes, reprirent leurs activités, un certain nombre d’ouvriers ne rejoignirent les rangs qu’avec la ferme décision d’y lutter pour amener le Parti Ouvrier à abandonner ses positions réformistes.  Immédiatement, il apparut aux ouvriers révolutionnaires que les chefs du Parti mettaient tout en œuvre, toutes les manœuvres, toutes les pressions. tous les mensonges pour écraser l’opposition ouvrière à leur politique.

En revanche, si les occasions de se décourager ne manquaient pas de ce côté, les raisons de continuer la lutte avec confiance étaient nombreuses aussi.- la Grande Révolution socialiste d’Octobre dressait devant le monde son Flambeau étincelant.  Les travailleurs révolutionnaires se tournaient vers elle et puisaient dans son exemple, dans l’exemple de Lénine, les leçons pour les luttes à venir et les raisons de les engager avec confiance.

Ces grands événements, qui venaient de faire changer de base un immense pays, provoquaient de nombreux remous au sein du P. 0. B. à Charleroi, plus particulièrement au sein des Jeunes Gardes Socialistes. Membres de la section J. G. S. de Jumet-Gohyssart, nous y menions avec quelques camarades la lutte pour le soutien sans réserve de la Révolution russe, tout en attaquant à chaque occasion le réformisme des chefs du P.O.B. et des Jeunes Gardes.  Nous allions aux manifestations avec notre calicot propre qui faisait sursauter bourgeois et chefs du P.O.B.. Nous criions nos mots d’ordre de lutte, nous les répandions à chaque occasion.

Un jour de 1920, notre groupe présenta à la Fédération des J. G. S. de Charleroi une motion réclamant l’affiliation à l’Internationale des Jeunesses Communistes.  Cela déclencha la grosse artillerie des réformistes.  La résolution fut rejetée et ses partisans traités de tous les noms par les dirigeants.

Mais cela ne nous découragea nullement.  Nous avons présenté la même motion à la section de Jumet-Gohyssart.  Là, elle fut approuvée à la quasi-unanimité.  Mais le président de la section déclara le vote nul et interdit aux partisans de la motion de se réunir à la Maison du Peuple. Pratiquement, c’était l’exclusion.

Des J. G. S. de Bruxelles avaient subi le même sort.  Peu de temps après pourtant, avec une douzaine de camarades, nous décidions de constituer un groupe communiste et de prendre contact avec nos camarades de Bruxelles.

Le premier groupe communiste était fondé au Pays de Charleroi.  Peu après, en septembre 1920, nous constituions un groupe de Jeunesse Ouvrière et Syndicale, en sous-section du syndicat des Chevaliers du Travail de Roux-Aiselies.  A l’unanimité de ses 175 membres, ce groupe de jeunes ouvriers révolutionnaires vota son adhésion à l’internationale des Jeunesses Communistes.  (Revue du P. C.B. « Communisme », n’9, octobre 1951)

… Peu après, un autre groupe se constituait à Marchienne-Docherie. Différents groupes, composés surtout de jeunes, d’anciens J. G. S., établirent des contacts entre eux et bientôt se groupèrent autour de leur journal « L’Ouvrier Communiste » et demandèrent leur affiliation à l’Internationale Communiste.

Au même moment, d’autres groupes communistes se formaient aussi au Pays Noir à l’initiative de notre camarade Jacquemotte et des Amis de l’Exploité.  Ces sections furent organisées à Châtelet, à Châtelineau, à Mont-sur-Marchienne, et dans diverses communes de la région. …

A suivre

Dr Jacques Lemaître

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