Par contre, la campagne électorale qui suit connaît des résultats désastreux, ce qui relance la lutte pour le Suffrage Universel.
Le 5 avril 1891, au cours d’un congrès du P.O.B. à Bruxelles, Callewaert et d’autres Chevaliers du Travail s’expriment et s’inscrivent dans une tendance, qui paraît unanime, à mener des actions plus énergiques. L’adhésion des Chevaliers du Travail au P.O.B. est également suggérée.
Le 1er mai de la même année, les Chevaliers du Travail vont lancer leur première grève
politique, entraînant tous les charbonnages – 100.000 grévistes dont 30.000 à Charleroi – grève que le P.O.B. se décide à soutenir. Après l’affirmation quelque peu prématurée d’une révision de la loi électorale, l’action est relancée avec des objectifs économiques. Elle finit par s’épuiser et se termine par une défaite. La reprise du travail est suivie d’une répression très sévère qui vise surtout les membres des Chevaliers du Travail. Leurs effectifs chutent de ce fait des 2/3. Il faudra plus de deux ans pour qu’ils reconstituent leurs forces.
A partir de cette époque, les Chevaliers du Travail et le P.O.B. vont se trouver coude à coude avec des divergences relativement secondaires.
L’année 1892 connaît un relative démobilisation des forces ouvrières.
Le Suffrage Universel reste un objectif à atteindre.
Le 12 avril, nouvelle grève générale (la Chambre ayant repoussé le Suffrage Universel à 21 ans). Cette fois, sur mot d’ordre du Conseil général du P.O.B.. La grève est complète chez les mineurs de Charleroi mais les ouvriers verriers poursuivent leur travail.
Une véritable vague révolutionnaire se développe. Ce qui amène le Parlement à adopter le principe du vote plural (deux voix pour un père de famille, une troisième voix liée à la fortune, aux diplômes et pour les fonctionnaires).

La grève se termine le 20 avril.
Le premier mai suivant a un caractère très dynamique avec un nouvel élan vers les 8 heures et le Suffrage Universel.
En 1893, au début septembre, quelques grèves partielles éclatent, puis, le 25, à l’initiative des Chevaliers du Travail, une nouvelle grève générale éclate à Charleroi – sur les 26.000 grévistes, 20.000 sont membres de l’Ordre.
La reprise du travail est difficile et mêlée d’amertume à l’égard du P.O.B. qui n’a guère soutenu le mouvement. L’étoile de Callewaert pâlit à nouveau.
Dès lors, les Chevaliers du Travail veulent raffermir 1’unîon politique et économique avec le mouvement socialiste ce qui permet au P.O.B. de mieux s’implanter dans le Pays de Charleroi. Cette collaboration aura tendance à se renforcer à l’occasion des élections qui vont suivre en octobre 1894, élections qui connaîtront une grande victoire.
Callewaert devient député avec 68.552 voix.
Une Fédération mutualiste commune est créée en mai 1895.
Une nouvelle collaboration entre les deux groupes syndicaux – les Chevaliers du Travail et la Fédération nationale des mineurs – naît avec la création d’une nouvelle structure: « La Chevalerie du Travail, Fédération nouvelle des mineurs du bassin de Charleroi ».
1896 voit le grand départ de la coopérative « La Concorde » de Roux.

En 1903, les Chevaliers du Travail comptent encore 30 unions de mineurs qui refusent de s’intégrer totalement dans les structures du P. O. B. Ceux-ci et leur leader Callewaert refusent toujours d’abandonner la « constitution » de l’Ordre.
Après de nombreux pourparlers, le Congrès de mai 1904 va cependant voter la fusion des deux groupes syndicaux en présence. Les statuts de la nouvelle association sont adoptés le 1 er octobre 1905. L’unité d’action est prévue pour deux ans. Callewaert en est le président, et Falony le secrétaire permanent.
5.000 mineurs vont cependant refuser cette fusion, ils resteront autonomes et créeront leur propre Fédération nationale en 1906 laquelle gardera une certaine influence chez les mineurs.
Il va donc persister, à côté d’une ligne d’action commune, celle d’une Fédération des Chevaliers du Travail. Celle-ci est à vrai dire de taille fort réduite. Elle groupe les irréductibles qui refusent toujours l’action commune avec le P. O. B.
Ces sections locales des Chevaliers du Travail vont subsister et être tolérées par la Fédération nationale des mineurs jusqu’en 1921, époque où elles subissent l’influence des communistes et où les sections seront exclues.
La Chevalerie du Travail a amené les ouvriers mineurs à la pointe des combats dans toutes les luttes sociales et les grèves depuis 1885. Elle a constitué dans le bassin de Charleroi et aussi dans le Borinage un capital révolutionnaire, une tradition d’action directe et de rébellion qui ont été peu entamés par la bureaucratie syndicale et le réformisme du P.O.B. comme en témoignera notamment la lutte révolutionnaire des ouvriers mineurs à l’occasion de la grève de 1932.
A suivre
Dr Jacques Lemaître