
Revenons au texte de Roger Nicolas à propos de l’émigration belge en France.
Ils trouvaient du travail et vivaient au sein d’une population dont tout les rapprochait (langue, culture, nourriture, religion). Ils avaient donc tout pour être contents et être facilement assimilés mais…
A l’origine, la Révolution de 1789 en France et sur des principes de liberté, de fraternité, d’égalité entre tous les hommes formulés par les encyclopédistes et les réformateurs du Siècle des Lumières accordait les mêmes droits aux étrangers vivant en France qu’aux citoyens français.
La suite de la guerre contre l’Autriche, la Prusse et l’Angleterre favorisa la suspicion envers les étrangers qui pouvaient menacer l’unité de la République une et indivisible.
L’idée de la nationalité allait aussi permettre à tous les provinciaux d’hier, Languedociens, Provençaux, Bourguignons et Bretons de ne plus former qu’une nation alors plus facile à défendre ensemble. Des droits exclusifs sont attachés à cette notion de nationalité et par la suite sont opposables à ceux qui se réclament d’une identité étrangère.
Durant la période de la mi- 19e siècle que nous avons évoqué, le gouvernement français trouva avantageux d’incorporer les travailleurs d’Outre-Quiévrain qui ne causaient pas de troubles et pouvaient utilement combler le creux démographique que connaissait la Troisième République. Les Belges furent invités à s’installer en France avec leur famille. Les avantages de la nationalité française leur était concédés. C’est ainsi que vers le milieu du 20e siècle, à Maubeuge , pour ne citer que cet exemple, la moitié des familles étaient d’origine belge. Cet état de choses se retrouvait aussi à Roubaix, Tourcoing et dans de petites localités proches de la frontière belge en Lorraine. Mais cela ne va pas sans mal.
Les répercussions des crises économiques cycliques de l’emploi sur la production, l’effondrement des prix de vente, la diminution des salaires, le chômage, la fermeture d’entreprises créent des déserts économiques caractéristiques d’un capitalisme brutal et suscite un malaise social et une grogne parmi les travailleurs français.
Des opposants au régime en profitent et tentent de canaliser ces éléments en les dressant d’abord contre l’étranger « celui qui vous prend votre pain en même temps que votre emploi ». Pour mobiliser ainsi les ouvriers, il faut se servir de formules simples même simplistes et les répéter sans cesse et très fort jusqu’à ce que ceux qui les assimilent soient convaincus que c’est la pure vérité. Les partis d’extrême droite d’aujourd’hui ne procèdent pas autrement.
L’étouffement de la pensée par le slogan s’accompagne en général de rumeurs. « L’étranger est favorisé. On lui donne les meilleures places et de plus grands avantages. On ferme les yeux sur ses excès ». Cela marche toujours et pourtant, nous nous piquons d’être instruits, civilisés. La radio, la télévision, les journaux et magazines nous abreuvent d’informations mais aucune ne contient la vérité complète. Alors jugez de la facilité avec laquelle ces mêmes notions pouvaient bourrer le crâne de gens dépourvus de moyens d’informations ou incapables de les confronter.
De plus à cette époque les conditions dans lesquelles vivaient la classe ouvrière et les agriculteurs. Elles étaient littéralement épouvantables. Comme les Belges étaient les plus nombreux, ils étaient ainsi dénoncés comme les profiteurs de la misère des Français. Ils étaient souvent pris à partie. On les nommait des « pots d’beurre ». Comme les familles étaient restées au pays, on les décrivait comme batailleurs, enclins à prendre les filles et débaucher les femmes. Ils jouaient facilement du couteau, paraît-il. Ils sont dangereux. Cela ressemble étrangement à ce qu’on disait des Italiens et des Polonais, chez nous, il y a quelques décades.
Mais les étrangers peuvent aussi servir de boucs émissaires au gouvernement pour détourner la colère de leurs électeurs et oublier leurs propres responsabilités.
Ce fut le cas à Fourmies…
A suivre
Roger Nicolas