Inculpation de Donald Trump : « Grâce à sa position antisystème, il gagne encore en popularité »

Gagner dans la défaite


Le mardi 1er août, l’ancien président des États-Unis Donald Trump a été inculpé pour « complot à l’encontre de l’État américain » pour avoir tenté de fausser les résultats du scrutin de 2020. Dans un entretien à « Marianne », Frédéric Heurtebize, maître de conférences à l’Université Paris Nanterre et spécialiste des États-Unis, estime que « cela le fait gagner en popularité parmi ses électeurs ».

Marianne : Donald Trump a été inculpé ce mardi 1er août pour avoir tenté de fausser les résultats de l’élection présidentielle de 2020. Parvient-il à retourner cette décision à son avantage ?

Frédéric Heurtebize : C’est la troisième fois qu’il est inculpé, après les enquêtes en cours concernant l’achat potentiel du silence d’une ancienne actrice pornographique et la supposée gestion hasardeuse de documents confidentiels de la Maison Blanche. On a vu que, dès les premières accusations, les soutiens qu’il recevait de ses électeurs n’avaient pas baissé, voire avaient augmenté. Il est vu comme antisystème, comme une victime de l’« establishment » judiciaire, politique et médiatique. Par conséquent, les charges qui pèsent sur lui sont quasiment des avantages. Cela prouve qu’il n’est pas un ancien président ou un homme politique comme les autres. Il se présente d’ailleurs comme un bouc émissaire. « Chasse aux sorcières » est un terme que l’on entend dans sa bouche et celle de ses sympathisants. Ces derniers le prennent presque pour argent comptant. Cela le fait gagner en popularité parmi ses électeurs.

Qu’est-ce que la justice américaine lui reproche ?

Les charges les plus graves retenues contre lui sont celles qui sont tombées hier. Les accusations concernant l’actrice X datent d’avant du début de son mandat. Les faits sur les archives et les documents classés ont eu lieu après. Tandis que ses efforts pour nier les résultats des élections ont été commis pendant qu’il était président. C’est encore plus grave. Car cela porte sur la chose la plus fondamentale en démocratie : l’acceptation du résultat des élections.

On lui reproche d’avoir cherché à annuler ce résultat. Alors que lui-même, la plupart de ses conseillers, notamment juridiques, ses avocats et les membres de son gouvernement savaient que c’était perdu. Plus précisément, il est accusé de « complot à l’encontre de l’État américain », d’« atteinte aux droits électoraux » et d’« entrave à une procédure officielle ».

Ses éléments de langage ont-ils évolué par rapport à ses réactions vis-à-vis des précédentes affaires ?

Face à cela, sa réponse est toujours la même. Il ajoute qu’il est étrange que cette histoire ressorte deux ans et demi après les faits, qu’elle tombe pile au moment où la campagne électorale pour la primaire républicaine à l’élection présidentielle de 2024 entre dans le vif du sujet et que tout cela est orchestré par Joe Biden et le département de la Justice [N.D.L.R., équivalent d’un ministère français].

Malgré ces accusations, il distance tous ses adversaires de la primaire républicaine. Il est à plus de 50 % depuis le début de l’année dans les intentions de vote. Pourquoi ?

Il y a peu de candidats forts. Surtout, une enquête du New York Times a montré que 37 % des sympathisants républicains soutiennent Trump de manière indéfectible. Et il a pour avantage le fonctionnement des primaires. Comme pour toutes les élections aux États-Unis, il suffit d’une majorité relative, et non absolue. Face à lui, les anti-Trump ou ceux qui pensent qu’il peut y avoir un meilleur candidat sont divisés.

Depuis février dernier, son principal adversaire Ron DeSantis a dégringolé dans les sondages passant d’un peu moins de 40 % jusqu’à tomber sous la barre des 20 %. Comment l’expliquer ?

Il réalise une mauvaise campagne, plombée par un lancement raté. Il a aussi un problème de personnalité ; il n’est pas très sympathique. Pourtant, en tant que gouverneur de Floride, c’est un homme politique très habile, d’ailleurs réélu confortablement en 2020. Il y avait un élan. Et il pouvait plaire aux sympathisants de Trump tout en étant perçu moins outrancier que lui, plus présidentiable.

Propos recueillis par Marius Matty

Extrait de Marianne

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