Mines de fer et conditions de travail.
Le minerai de fer a commencé à être exploité en Belgique à une époque déjà lointaine, 500 ans avant Jésus-Christ. Les Celtes qui travaillaient le fer formèrent la première vague d’immigrants venus du Danube qui supplantèrent par leur technique le peuple néolithique établi depuis des temps immémoriaux. Ce qui prouve que même s’il eut des unions mixtes, nous sommes tous filles ou fils d’immigrés.
Très vite, les premiers belges repérèrent les meilleurs filons, ceux répartis principalement dans l’Entre-Sambre et Meuse. Particulièrement riches étaient les régions de Jamioulx, Morialmé, Florennes, Yves, Frasnes, Nismes, Dourbes, Vierves, …
On exploitait aussi des mines de moindre importance dans nombre de localités telles Bourles, Virelles, Lompret, Rance, Boussu, Roly,… et plus près de chez nous à Gerpinnes, Villers-Poterie, Nalinnes, Marcinelle et Mont-sur-Marchienne où des traces d’exploitations sont toujours apparentes.
Dans le bois de Charnoy, à Gourdinnes, nous avons sondé quelques anciennes minières maintenant effondrées qui par temps de pluie se remplissent d’une eau rapidement rougir par l’oxyde de fer.

Fondry des Chiens à Nismes
Nous ne parlerons pas ici des techniques d’exploitation des premiers Belges. La période qui nous intéresse est celle qui va du Moyen-Age au 19e siècle. On rencontrait le minerai partout en filons, en amas, en couches. À Nismes, par exemple, des gîtes de fer étaient accumulés dans des poches de terrains appelés « Fondry » ou « Stockwerck ». Le mode d’extraction varie suivant la disposition du gisement. On exploite tantôt à ciel ouvert tantôt par galeries obliques ou par un puits profond parfois d’une trentaine de mètres. À flanc de montagne, le minerai était atteint par un réseau multiple de galeries. Comme les gisements ne se présentaient pas d’une façon continue mais éparpillés sur un territoire donné, il y avait, certaines années, jusqu’à 30 exploitations dans une localité comme Nismes. Les modes d’exploitation sont largement détaillés dans des dizaines de traités spécialisés.
Ce qui nous intéresse, ce sont les conditions de travail souvent pénibles et dangereuses des ouvriers mineurs. Dans ce domaine, les sources d’information sont rares pour cette époque. On ne peut se référer qu’à des journaux anciens comme « L’éclaireur socialiste » ou « l’Affranchi » qui reprenaient ce que racontaient nos aïeux de ce temps-là. Et encore, ces journaux n’étant tirés qu’épisodiquement et en petit nombre d’exemplaires. Il arrive que dans certains fonds d’archives, on puisse glaner un renseignement ou l’autre. C’est ainsi que par les bons de paie, on apprend que les mineurs amenaient souvent leur femme et leurs enfants à la mine.
L’ouvrier était payé par unité de minerai extrait. Cette unité s’appelait le cense (1350 kg). Il n’était payé, le plus souvent, que quand l’exploitation de sa veine était terminée. Il n’avait aucun moyen de contrôle et était toujours exploité. Sur le compte d’unités calculer par le mineur, celui-ci devait payer une redevance appelée Dérantage, au seigneur propriétaire de la mine et plus tard, sous le nouveau régime (après la Révolution) à la commune. Le mineur n’était payé qu’après la vérification du poids la balance. Le poids n’était jamais celui auquel il s’attendait d’où, à nouveau, il y avait exploitation du mineur
Au début du 19e siècle une pratique abusive fut importée d’Angleterre et fit des ravages parmi la classe ouvrière. Cela s’appelait le « Truck system ». Cependant, déjà avant eux, cette honteuse pratique était répandue dans nos régions dès la naissance de la bourgeoisie industrielle. Voici en quoi cela consistait. Les grands patrons possédaient non seulement les mines, les terres et les fabriques mais aussi les masures où étaient logés les ouvriers. Les membres de famille patronale possédaient souvent une ou plusieurs boutiques réparties dans les corons. On appelait cela l’économat. Quand un futur mineur venait s’embaucher à la mine, il n’avait que ses deux mains pour toute fortune.

Comme il fallait manger et se loger, le gérant apparenté au propriétaire de l’exploitation lui faisait crédit. Il avait une ardoise et il entrait ainsi dans le cycle infernal de l’endettement. Quand il touchait sa paie, le mineur devait passer par le comptoir du cabaretier s’il ne voulait pas être affecté plus tard aux veines les moins les plus insalubres.
Quoi d’étonnant alors qu’une bonne partie de la quinzaine sombrait dans le péket. L’alcoolisme finit par devenir ce terrible fléau qui sévit tout au long du 19e et au début du 20e siècle. L’ouvrier se retrouvait ensuite devant le comptoir de l’épicerie où, avec le reste de son salaire, il devait effacer l’ardoise. Il ne restait plus alors que quelques pièces de cuivre insignifiantes au fond de la poche. Quand la femme s’amenait ensuite à la boutique pour acheter le nécessaire pour satisfaire les besoins alimentaires de sa famille, le tout s’inscrivait à nouveau sur l’ardoise. L’endettement était continuel. Le sinistre engrenage se remettait en route à la grande satisfaction des patrons qui pouvaient ainsi attacher le mineur à l’exploitation comme jadis le seigneur assujettissait le serf.
Pourtant c’était encore le meilleur de sa situation. Quand l’ouvrier, malade ou gravement blessé, ne pouvait pas travailler, malheur à lui et à sa famille. La sécurité sociale n’existait pas et la famille entière tombait bientôt dans le gouffre de la paupérisation absolue. Comme l’habitation appartenait aussi au gérant de mine et que les loyers gravitaient autour d’un cinquième du salaire, on se retrouvait rapidement sans logis. On entrait ainsi dans un autre cycle infernal.
La faim, la maladie, le manque d’hygiène, la mortalité infantile puis la mort prématurée pour tous parachevaient l’œuvre destructrice. Encore heureux quand on pouvait émerger à « l’Assiette des communs pauvres » comme à Froidchapelle où, au 18e siècle, le tiers de la population était secouru. Mais cela n’existait pas partout .
Les conditions de logement n’étaient pas des meilleures. Les ouvriers habitaient de petites masures sombres, sans hygiène aucune, aux pièces exiguës au sol de terre battue. Elle ne comportait souvent qu’une seule chambre ou s’entassaient les parents et les nombreux enfants sur des grabats de paille. En ce début du 20 -ème siècle, nous avons connu le cas à Marcinelle où un jeune couple n’avait qu’une vieille capote de soldat à jeter sur la paillasse pour se garantir du froid. Dans les années 1950 – 1960, de vieilles habitations à l’état de taudis étaient encore habitées au du Tienne Saint-Gilles à Marcinelle et à la rue de Soleilmont à Châtelineau.
Voilà pour les conditions de salaire et de logement. Était-ce meilleur au point de vue conditions de travail ? Nous en parlerons dans notre prochain document
A suivre
Roger Nicolas.