Qui était Monsieur Vandenberghe ?

Il est né à Ninove le 19 juillet 1894. Licencié en sciences commerciales et consulaires, directeur commercial au charbonnage de Monceau-Fontaine, capitaine honoraire, invalide de guerre à 75 %, il fut grièvement blessé le 5 octobre 1918. Il est titulaire de nombreuses distinctions honorifiques belges pour sa conduite exemplaire au cours de la campagne 14/18. Mort en brave le 17 août 1944, victime de la barbarie rexiste.
Lorsque le corps de ce brave fut emporté, dont je viens de parler Ludovicy a demandé à l’officier allemand pour que nous soyons autorisés à quitter les lieux. Il nous répondit que nous pouvions disposer. Il était 16 heures.
Ludovicy et moi reprîmes notre vélo et j’ignore si nos roues touchèrent beaucoup l’asphalte de la route jusqu’à la brigade. Nous avons fait un véritable match poursuite qu’il n’est pas nécessaire de commenter autrement.
Les événements qui se sont déroulés après notre départ, je ne les ai pas vécus personnellement. Cela ne change en rien les faits qui devinrent une tragédie qui fait horreur à l’homme digne de ce nom.
Je n’étais plus qu’un automate : j’avais échappé de bien près à une mort sans gloire. Un compatriote, un vrai, avait été abattu comme une bête rebelle devant nos yeux. Nous avions été impuissants et cela nous donnait la nausée.
Ce fut une nuit d’horreur que vécurent les habitants de Charleroi et des environs., une nuit de haine, de confusion, de pleurs, d’impuissance à empêcher le drame … cette nuit du 17 au 18 août 1944.
La Formation B renforcée par des éléments venus de la capitale parcourait les rues recherchant des otages suivant des listes préparées d’avance. Dix-neuf otages de marque, des personnes innocentes, furent arrêtées dans des conditions que je ne dois pas décrire. Elles ne tarderaient pas à se douter. Elles savaient quel était le sort qui leur était réservé. Les otages furent rassemblées au local de la Formation B à Charleroi au 29, de la rue du Parc. Elles y étaient arrivées telles que le bourreau les avait trouvées… dans des tenues hétéroclites… en tenues légères… Elles avaient quitté leur foyer comme cela, sans avoir pu jeter un regard en arrière, sans avoir pu se vêtir décemment pour marcher vers l’éternité. Elles étaient arrivées l’une après l’autre tragiquement soustraites à leurs familles. Tout ce qui s’est passé dans ce fameux local se passe de commentaires !
Tandis que la nuit avait étendu son voile de deuil sur la région, des camions déchargèrent leur butin, là même où le bourgmestre et les deux membres de sa famille avaient été tués. Pas question de se sauver, les gardiens étaient nombreux. Elles furent enfermées dans la cave de la maison la plus proche jusqu’à l’aurore de leur dernier matin. Leur destin était tracé en lettres de feu. Les otages vécurent là, les moments ultime des condamnés à mort. La mort les a fauchés. Le bon grain était mangé par l’ivraie.
Le 18 août s’était levé pour moi aussi. J’étais vivant, eux étaient morts et avait rejoint le paradis des braves. Ce fut le commissaire adjoint de Courcelles, Monsieur Dumont qui m’apprit qu’une tuerie effroyable avait diminué la race humaine à l’endroit que je vous ai décrit. Le policier m’apprenait encore que les tueurs avec fui mais que les victimes étaient encore là, où la mort les avait fauchées au centre d’une macabre mise en scène.
Je ne pus m’empêcher d’aller sur les lieux. Il n’est guère de mots pour décrire ce qu’était cet amas de chair morte. Les tueurs avaient bien mérité d’être les élites de la déchéance humaine.
Avant mon arrivée, quelques corps avaient été transportés à la morgue de Courcelles. Le personnel communal s’était chargé de ce pénible devoir.
Des jurons de colère s’étranglaient dans ma gorge lorsque je quittai ce coin de terre baigné encore du sang d’autant d’innocents martyrs. Ah ! ils s’étaient bien vengés, les rexistes!

Je ne reviens sur les lieux de la tragédie que 2 ans plus tard. C’était le 18 août 1946, jour de l’inauguration du monument élevé à la mémoire des victimes.
Les Belges n’ont pas oublié. Que leur sacrifice ne soit pas vain ! Que la volonté des peuples soit suffisamment forte pour vouloir la véritable paix.
MDL Brognon
A suivre