Un témoignage inédit (1)

C’était en août 1944. Un des beaux  mois de l’année. Un de ceux qui faisait oublier la bête sauvage qui nous tenait sous sa patte depuis des années. Un mois qui donnait l’espérance … La guerre, dans son horreur aller engloutir l’Allemagne dans un gouffre sans fond.

Et cependant le 17 … ! Ce jour-là, je commandais a.i. La brigade de Roux.  Le commandant en titre, rexiste notoire dont le nom a sombré dans les ténèbres de l’oubli avait fui, lâchement, ses responsabilités et avait laissé dans une traînée de honte, un relent de nausée.  Vers 13 h, un macabre coup de téléphone m’annonçait que le bourgmestre du Grand Charleroi venait d’être tué à Courcelles.  Le lieu-dit  » Bois du Rognac » était l’endroit où l’homme venait d’être entraîné dans la mort en même temps que sa femme et que son fils.

La région entière vibrait dans une effervescence extraordinaire. Les troupes vaincues défilaient en déroute avec des sursauts de bête traquée tirant, çà et là, des coups de feu inutiles. Est-il nécessaire de vous dire dans quelle situation nous nous trouvions pour que vous compreniez que notre service ne pouvait s’effectuer qu’avec d’insupportables difficultés.

Nous devions partir immédiatement. Notre devoir nous appelait au Bois du Rognac … Je partis avec le MDL Ludovicy (actuellement adjudant). Les chemins de campagne nous permirent d’arriver vite et sans encombre.  Les voies plus importantes étouffaient sous les colonnes allemandes. L’endroit du crime se situe à la limite des communes de Courcelles et de Monceau-sur-Sambre. Dès notre arrivée, nous trouvons sur place, trois individus : l’un porte une mitraillette tandis que les deux autres sont armés de pistolets 7 , 65 mm. C’est celui qui porte la mitraillette qui se montre le plus agressif. C’est incontestable le chef …

C’est ensuite que j’appris de qui il s’agissait. C’était bien « Les Trois Pieds Nickelés » ( Thomas Alexandre, Defresnes, Max et Navez, Honoré).

Sur le côté de la route, une grosse voiture balance sa carrosserie noire au bord du fossé. Pour trois êtres humains, la mort semble avoir fait son œuvre. Le corps du bourgmestre était allongé le long de la voiture. Son épouse est morte à l’intérieur, accroupie comme si elle s’était cachée soudain aux yeux de l’éternité. Son fils enfin, qui devait piloter le véhicule, était allongé, sur la banquette avant le bras tendu vers … je ne sais quel pays de miséricorde. Les corps étaient criblés de balles.

Les trois individus de costume civil venaient vers nous.  J’entendis alors des paroles pleines de haine qui sonnaient mal dans le décor: « On a tué notre bourgmestre mais nous le vengerons. »

A suivre

MDL Brognon

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