Pourquoi les Delhaiziens peuvent et doivent gagner

La colère des salariés est justifiée, disent les rédacteurs de la lettre. «Le marché du travail a besoin d’emplois plus stables et de qualité avec la participation des salariés. La vague de franchise fera exactement le contraire. Image Eric de Mildt

Lettre ouverte de soutien au personnel de Delhaize, de 70 professeurs de droit social, politologues et autres

HEIDI DEGERICKX ,  ELLEN VERRYT  et  PATRICK DEBOOSERE EA

Il y a six semaines, on a appris que la chaîne de supermarchés Ahold Delhaize laisserait ses 128 magasins sous sa propre gestion à des opérateurs indépendants. La direction de Delhaize affirme que rien ne changera pour les salariés concernés, mais elle craint à juste titre des pertes d’emplois et une détérioration des salaires et des conditions de travail. Et ces derniers n’étaient pas fantastiques : les employées, majoritairement féminines, font un travail très exigeant physiquement et en tirent peu d’argent.

Les plans de restructuration ont provoqué une vague d’indignation et une grande partie des salariés ont été spontanément licenciés. Six semaines plus tard, ils se battent toujours. Nous les soutenons.

Nouveau modèle (a)social

Les Delhaiziens écrivent une pièce importante de l’histoire sociale. Leur militantisme est plus qu’impressionnant. Il semble que David pourrait battre Goliath cette fois aussi. Après tout, les salariés peuvent fournir ensemble un contrepoids important à la superpuissance économique Ahold Delhaize. Leur message est clair : « Non à la maximisation du profit au détriment du personnel. Et ce message est sans équivoque au-delà des frontières linguistiques et nationales : il y a des grèves partout en Belgique et il y a aussi des actions contre Ahold aux Pays-Bas.

Ahold Delhaize fait des millions de bénéfices, et les actionnaires en veulent plus. C’est la seule raison pour laquelle cette restructuration est envisagée. D’ailleurs, Delhaize utilise depuis des années des magasins indépendants, comme Proxy Delhaize et Shop & Go. Les employés savent donc à quoi s’attendre.

La franchise des magasins conduira inévitablement à des salaires et des conditions de travail moins favorables, quelle que soit la convention collective qui tente d’empêcher cela. Ce n’est pas dû aux commerçants indépendants. Il ne leur sera pas non plus facile de joindre les deux bouts. Comme tout le monde, ils sont confrontés à des prix élevés de l’énergie, n’ont que peu ou pas de liberté pour déterminer leurs prix, et en plus ils doivent payer une commission sur leurs ventes à Delhaize. Économiser sur les salaires leur semble le seul moyen de garder la tête hors de l’eau.

De plus, dans de nombreux magasins indépendants, il n’y aura pas de représentation syndicale, car moins de 50 personnes y travaillent. Et sans syndicat, les soi-disant garanties ne valent rien : le salarié est seul face à son patron, et devant le choix entre un travail de plus en plus flexible pour une rémunération moindre et un licenciement pour motif économique.

Flou, harcèlemnt, répression

La direction de Delhaize sait qu’elle ne peut pas tenir sa promesse que rien ne changera pour les salariés. Les revendications des syndicats pour plus de clarté sur l’avenir sont tombées dans l’oreille d’un sourd.

Ahold Delhaize ressent aussi la puissance des actions collectives. C’est précisément pourquoi la chaîne de distribution résiste si effrontément aux grèves en cours. Avec des avocats coûteux, Delhaize va en justice pour obtenir une interdiction de grève par des procédures unilatérales. Les salariés qui se trouvent encore à un poste de grève sont menacés par des huissiers de fortes astreintes. Afin de mettre encore en œuvre la restructuration antisociale contre toute contestation, Delhaize joue désormais la carte de la répression et de l’intimidation. Le droit de grève est tout simplement balayé.

Au lieu de chercher des solutions, Delhaize préfère faire taire ses salariés. Il est donc de la plus haute importance que les travailleurs soient largement soutenus.

Delhaize ne sera pas la seule chaîne de distribution à céder à la soif de profit et à la pression concurrentielle. D’autres chaînes suivront probablement bientôt. De plus en plus de travailleurs seront donc poussés vers des emplois précaires ou même vers la pauvreté.

Cette tendance à la flexibilisation n’est pas nouvelle, mais elle est extrêmement dangereuse. Allons-nous bientôt basculer dans un système dans lequel nous avons besoin d’au moins deux emplois pour gagner un revenu décent ? Et oserons-nous encore défendre nos droits ?

Le marché du travail a en fait besoin d’emplois plus stables et de qualité, avec un mot à dire pour les salariés. La vague de franchises qui est sur le point de se produire fera exactement le contraire. C’est pourquoi la bataille des Delhaiziens est d’une grande importance pour nous tous.

Si jamais il y avait un moment pour montrer notre appréciation pour leur travail acharné, que ce soit celui-ci.

70 signataires, dont Heidi Degerickx, Réseau contre la Pauvreté ; Ellen Verryt, Furia; Patrick Deboosere, professeur VUB ; Pascal Debruyne, enseignant-chercheur Odisee Hogeschool ; Ico Maly, professeur à l’Université de Tilburg ; Valeria Pulignano, professeur KU Leuven; Patrick Humblet, professeur UGent ; Hind Riad, avocat PROGRESS Lawyers Network ; Jan Buelens, avocat PROGRESS Lawyers Network et professeur UAntwerp – ULB.

 Source : https://www.demorgen.be/meningen/why-de-delhaiziens-kan-en-moeten-winnen~b8e88c13/?utm_campaign=shared_earned&utm_medium=social&utm_source=emai

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