Les cahiers de revendications.

Dans les usines, les cahiers de revendications faisaient peu allusion à d’éventuelles augmentations de salaire. Ce qu’on voulait surtout c’était obtenir des denrées alimentaires ou autres dans l’immédiat
A l’usine Léonard Giot où j’avais commencé mes débuts de tourneur, il n’y avait pas encore de délégation syndicale pourtant l’atmosphère n’y était pas sereine.
Au directeur qui était venu, lui-même, tenir l’assemblée des travailleurs, ceux-ci lui reprochèrent de chauffer sa maison avec deux poêles et d’avoir une table bien garnie. On lui signifia que si on n’obtenait pas de la nourriture et du charbon, ce serait la grève au finish. Celle-ci éclata et dura 8 jours. Ce fut ma première grève. Avec tous mes copains ouvriers, je la fis pour obtenir un kilo de petits pois et 300 kg de charbon qu’on alla chercher à la rue de Châtelet à Marchienne-au-Pont.
Aux ACEC, ce sont 20 grains de café que l’on nous comptait un par un lors de la paie. Ce sont aussi des pommes de terre puis des oignons qu’on allait chercher au local B situé à l’entrée de l’usine. Pour ceux qui le désiraient des parcelles de terre étaient distribuées afin d’y créer un potager. Les semis des légumes à repiquer se faisaient même dans des cassettes à l’intérieur de l’usine.
Peu à peu, notre ravitaillement s’améliora. L’économie de guerre avec toutes ses restrictions fit place lentement et sûrement à l’ère de prospérité alimentaire que nous connaissons actuellement. Toutefois, celle-ci ne va pas sans inconvénients. Elle favorise les excès de sucre et de graisse causant certaines maladies comme l’obésité, le diabète, les obstructions cardio-vasculaires qui étaient peu courantes durant l’occupation allemande. Cela ne veut pas dire qu’on regrette cette époque
Il est vrai que le système économique capitaliste ne s’embarrasse pas de telles considérations. Qu’importe que l’excès de nourriture tue les gens ! Plus on mange et la publicité est là pour nous rappeler, plus les super bénéfices s’engrangent surtout quand les produits proviennent du pillage des pays du tiers-monde ou les trafics les plus divers comme les cas de vache folle, de poulets aux hormones, l’emploi de pesticides, … Tout cela est une autre longue lutte qu’il faut maintenant mener
Roger Nicolas