La vie quotidienne avant, pendant et après l’occupation allemande (suite)

Pénurie de charbon

Les ménages inscrits  chez les détaillants en charbon devaient souvent attendre très longtemps avant d’avoir leur ration. Pourtant, on pouvait en trouver des tonnes au prix très élevé. Il était vendu jusqu’à 4000 francs la tonne à Charleroi et même 7000 francs à Bruxelles. Les ménages à revenus modestes devaient s’en passer alors que des milliers de tonnes recouvraient les cours des charbonnages. Pour se chauffer, on brûlait alors n’importe quoi, de vieille savate à de vieux pneus de vélo. On trempait des papiers dans l’eau puis on les froissait en boule que l’on laissait sécher. Ainsi traité, ce papier pouvait tenir un certain temps dans le poêle.

Dans le dépotoir de la rue des Terribles, à Marcinelle, on allait récupérer des cartons forts que déversaient les Américains.  Coupés en petits carrés à l’aide d’une serpette, ils assuraient quelque peu de chaleur quand on les brûlait. Le gouvernement prit bien des mesures pour combattre les trafics frauduleux des denrées alimentaires et autres mais ces mesures restaient insuffisantes. L’opération Gutt* consistait à échanger les billets. jusqu’à 3000 francs par ménage. Les ouvriers ne possédaient pas une pareille réserve d’argent chez eux. Les bien nantis qui avaient amassé de grosses fortunes en trafiquant ou en collaborant étaient ainsi dessaisis. D’un bien mal acquis, certains accapareurs pour qui la mesure qui allait être prise ont alors changé leur fortune en petites coupures qu’ils faisaient échanger par des malheureux contre un petit pourcentage.

Les décisions prises par les autorités gouvernementales pour améliorer réellement  le ravitaillement  étaient appliquées avec lenteur ce qui provoquait un vif mécontentement dans la population. Partout, dans les assemblées syndicales ou de quartiers, on ne discutait que des dispositions à prendre pour lutter efficacement contre le marché noir qui était la cause des difficultés à tenir décemment un ménage.

Très vite, les femmes furent les plus actives dans cette lutte. Chaque semaine, elles se rendaient en délégation auprès de bourgmestres comme ceux de Monceau, de Lodelinsart ou de Châtelet et d’autres localités afin d’obtenir une distribution immédiate de beurre, de pommes de terre, de viande ou de margarine. À Marcinelle, Fleurus, ou à Roux, des femmes comme Joséphine Maton, Marie De Geel  rassemblaient parfois plus de 100 ménagères dans ce genre de manifestation.

Camille Gutt

Parfois aussi, plutôt que de marquer leur mécontentement, certains trouvaient plus commande de se servir eux-mêmes. C’est dans des entrepôts, les cours des charbonnages ou dans des wagons du chemin de fer qu’on allait prendre ce qui était nécessaire pour vivre et cela, au risque d’être poursuivi. En gare de Couillet, cela tourna au tragique. En janvier 1945, des wagons de charbon étaient à l’arrêt en attente. Des centaines de personnes s’approvisionnaient quand la gendarmerie fut appelée sur les lieux. Les gendarmes  tirèrent pour disperser la foule. Pour se sauver, Élie Leclerc de Gosselies sauta d’un wagon et fut tué sur le coup, atteint par une balle.

Parfois, certains remettaient aussi en usage le creusement de galeries dans les veines de charbon qui  affleuraient à flanc de coteau. En janvier 1945 encore, deux hommes creusaient une petite galerie au pied du terril du Martinet à Roux. Ils n’avaient pas pris de précautions et leur galerie s’effondra ensevelissant les deux malheureux pères de famille.

En 1946 et 1947, on reçut du charbon venant d’Amérique. On n’était pas content parce qu’il n’était pas de bonne qualité et de plus il était dangereux. En effet, certains chargements contenaient des cartouches de fusil non utilisées et quelques accidents se produisirent heureusement sans gravité. Il fallait faire attention lors du chargement du poêle.

Roger Nicolas

  • Le ministre des finances, Camille Gutt imposa la déclaration des avoirs et bloqua les dépôts en banque. Par cette opération hardie, la monnaie conserva un caractère sain et les fortunes scandaleusement acquises pendant la guerre furent durement touchées

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