Les histoires d’un militant de Marcinelle (suite 14)

Un camp de la Jeunesse Populaire.

Cette année-là, la Jeunesse Populaire avait programmé un camp à Fontaine-Valmont. C’était habituel, nous en organisions un chaque année de 2 ou 3 jours dans un endroit différent. Le programme était toujours le même: causeries politiques et culturelles, visites des curiosités du village et danses folkloriques.

Un oncle d’Alfreda, nous avait demandé si sa fille pouvait participer car elle n’avait pas encore tout à fait 16 ans. Nous l’acceptâmes et le jour venu, nous partîmes tous à vélo pour Fontaine-Valmont

Après toute une journée bien remplie par nos diverses activités, il était temps d’aller nous coucher. car nous étions fatigués.

Le bourgmestre avait mis à notre disposition une vaste maison inoccupée pour y passer la nuit quant aux filles, elles avaient préféré aller dormir sous un chapiteau de l’armée situé à une cinquantaine de mètres de nous.

Il faisait très chaud. Vers 2 h du matin, Georgette Wéry, la responsable de la section JPB de Gosselies vint me trouver en disant qu’elle ne voulait plus dormir sous la tente. « La fille de Marcinelle, comme elle me le dit, dormait toute nue au-dessus de sa couverture et elle sentait mauvais. » Comme j’étais marcinellois, elle me tenait pour responsable. Je fis semblant de dormir pour ne pas lui répondre.

Elle s’adressa alors à Maurice Magis qui l’a renvoyée se coucher. Le lendemain, lors du salut au drapeau, la fille concernée reçut un blâme pour son attitude car il était vrai que cette fille faisait rarement ses ablutions. Elle ne devait pas user plus d’une savonnette par an. Mais cela n’était pas une raison pour la tenir à l’écart. Nous restâmes en froid avec Georgette car comme cette fille était Marcinelloise, cela nous choquait un peu tous. Comme quoi, même chez les jeunes communistes et progressistes, l’esprit de clocher laisse toujours des traces

À notre retour nous avons reparlé de cela délicatement avec la cousine d’Alfred. À cette époque beaucoup de délégations et de groupes folkloriques étrangers venaient chez nous et ils logeaient chez l’habitant. Nos camarades de Marcinelle se les disputaient avec ceux des autres communes.

Chez ma mère, nous accueillîmes tour à tour des Allemands, des Polonais, et même des Russes qui faisaient tous partie d’un groupe de danses. Ils se produisaient le plus souvent dans la grande salle de la Maison du Peuple de Dampremy. C’est aussi à Marcinelle que nous avons reçu et guidé une journaliste d’Essen qui était rédactrice au journal du KPD. Elle et ses compagnons étaient venus enquêter sur les conditions de travail des mineurs.

Un de ceux-ci, Aloïs, logeait chez Gustave Lebrun. Il ne connaissait pas le français pas plus que Gustave ne connaissait l’allemand. Seul Marcel Bonnier pouvait se faire comprendre dans cette langue. Nous jugeâmes donc nécessaire d’apprendre l’allemand. C’était d’ailleurs la langue véhiculaire qui servait quand nous recevions les Polonais les Tchèques ou les Russes. Plusieurs d’entre eux pouvaient s’exprimer en allemand. Un jour, une journaliste hongroise nous rend visite et nous l’accompagna même chez les ouvriers des ACEC. Josiane de Marchienne l’avait introduite clandestinement dans un réfectoire de l’usine. Elle interviewa les travailleurs sur leur mode de vie en Belgique. C’était dangereux car elle était recherchée par la police pour s’être introduite dans notre pays sans visa. Ma mère la cacha pendant 2 jours à la maison. La langue allemande servait aussi beaucoup quand nous partions en vacances en RDA ou dans les autres pays de l’est.

Roger Nicolas

A suivre

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