Apprentissage au militantisme
Notre dernier article relatait l’étonnement d’une militante communiste devant la création d’une Jeunesse communiste à Marcinelle
Suzanne Andrieux avait été résistante des Partisans armés. Elle fut la première personne qui arbora le drapeau frappé de la faucille et du marteau à se fenêtre sous les applaudissements des gens de la rue du Foyer alors que les Allemands nous occupaient encore

Puis nous fîmes la connaissance de Nestor Henry, surnommé le grand Nestor Pour le distinguer du petit Nestor, Nestor Giot, responsable de la section. Nous rencontrâmes alors Angèle Parée, Fina du Bierchamps, Renée Giot, Alphonse Dewilde et Françoise de la rue des Hiercheuses. Celle-ci, ancienne résistante m’initia au militantisme, c’est-à-dire la distribution de tracts, le collage d’affiches, la vente du journal le Drapeau Rouge et l’organisation de réunions chez le pasteur Gustave Lebrun. Françoise était française. Elle travaillait à la laverie où elle triait le charbon. Comme elle n’habitait qu’à quelques pas de cet établissement, elle préférait se laver chez elle plutôt que dans la salle de douche du charbonnage. On la voyait donc revenir dans la rue toute noircie de charbon. « Ce n’était pas une française pour rien » disaient certains camarades en riant. Quoique plutôt jolie, certains l’appelaient « El nwère gaillette ». Nestor dut les rappeler à l’ordre. Comme quoi , malgré le faitqu’on soit communiste, il reste parfois quelques petites traces de racisme.
D’autres membres du parti s’intéressèrent à nous. Ce fut d’abord Auguste Wéry de Gosselies, délégué principal aux ACEC qui organisa une soirée de cinéma avec un film soviétique au salon Fernand du charbonnage XII. Il nous proposa la vente de cartes de soutien aux ABS (Association Belgo Soviétique). Ce fut notre première activité.
A propos du pasteur Gustave Lebrun, il est bon de signaler que la section de Marcinelle du Parti communiste d’après-guerre fut créée par d’anciens résistants dont plusieurs étaient de religion protestante. C’était la particularité de Marcinelle. L’évangéliste Armand Bulpa faisait de nombreux meetings de rue et dans ses discours, il mêlait toujours des versets de la bible aux principes du marxisme-léninisme. Cela faisait bondir Nestor Giot qui était le responsable de la section mais il finit par s’y faire. A l’heure actuelle, certains révolutionnaires d’Amérique latine ne procèdent pas autrement que Bulpa.
Nestor Giot était conseiller communal avec Nestor Henry, un brave homme mais un peu naïf sur les bords. Le socialiste Hector Druart lui racontait des histoires rocambolesques sur la gestion des élus de son parti à Marcinelle et en particulier sur le bourgmestre, Lucien Harmegnies. Nestor Henry le croyait et s’empressait d’écrire un article pour l’Etincelle. L’article, après vérification s’avérait faux et il s’en suivit un droit de réponse. Il fallut longtemps, pour faire comprendre à Nestor qu’il ne fallait pas tomber ainsi dans le panneau. Le parti a toujours eu ses détracteurs mais parfois cela allait trop loin et des actes de malveillance étaient commis à l’égard de nos militants. Le 14 novembre 1946, de mauvais plaisantins ont envoyé partout des faire-part annonçant la mort de Nestor Henry. Quelque temps, plus tard, profitant de ce que Nestor travaillait à l’usine , les mêmes individus, on suppose, envoyèrent le service des pompes funèbres chez lui afin de prendre les mesures de son cercueil. Sa femme ressentit un terrible choc et tomba évanouie. On ne trouva jamais les responsables.
Dans l’année 1950, un énergumène bizarre au faciès taillé à la hache vint trouver Nestor afin de prendre son adhésion au parti. Nestor Giot flaira la provocation car cet individu demanda d’emblée la liste des membres pour les convoquer à une réunion. Nestor fit mine d’accepter et se promit de lui tendre un piège. Il lui prépara une fausse liste de membres avec les noms de plusieurs notables et ennemis du parti qu’il remit à cet agent provocateur. L’homme revint encore à une ou deux réunions et chaque fois, Angèle s’esclaffait et déclenchait un fou rire chez les jeunes car cet homme avait un nez super crochu et elle l’avait surnommé « perroquet ». Nestor Giot adressa un blâme sévère à tous car on risquait de faire échouer son piège. On apprit plus tard que le « perroquet » était un membre de la police militaire.
Roger Nicolas