Histoire d’un militant communiste de Marcinelle (suite n° 8 )

1944, fin de la guerre

Lors de notre dernier récit, Roger nous racontait les exploits d’un membre de la JPB.

Roger Pullinck avait gagné la course accoutré de vêtements d’hiver. Il avait battu tous les concurrents à l’étonnement des spectateurs parmi lesquels se trouvait Eddy Poncelet, membre du Comité central  de la JPB.

Eddy avait une grande renommée car lors de son service militaire à la marine, Eddy avait organisé une manifestation contre le service militaire que le gouvernement voulait porter à 24 mois. Eddy passa devant le Conseil de Guerre et finalement fut condamné à un mois de prison et à une amende. L’affaire avait fait grand bruit parmi la jeunesse.

Comme responsable national, Eddy était aussi responsable pour contrôler les activités de la section JPB de Marcinelle. IL aimait se retrouver parmi nous et après les activités, j’avais le plaisir de lui offrir le lit . Je rappelle que j’habitais rue de la Grogère et lors d’une visite, notre camarade fut étonné de rencontrer une de nos voisines.  Cette dernière était flamande et s’exprimait très difficilement en français. En la rencontrant, Eddy a réalisé qu’elle faisait partie de sa famille, une tante dont il avait perdu la trace depuis au moins 15 ans.

Un jour, notre responsable fut chargé d’une pénible mission. Il était venu nous faire part d’une décision prise tant par les autorités de la JPB et également du PCB. Notre camarade Georges Glineur était chargé de prévenir notre responsable fédéral Maurice Magis qu’il était suspendu de sa responsabilité de représentant fédéral de la jeunesse car notre ami avait une tendance très prononcée aux boissons alcoolisées. A l’époque, on ne badinait pas avec ce genre de comportement au sein du parti. Note section était très embarrassée de rendre un jugement à l’encontre de Maurice, un chouette copain. Finalement avec beaucoup d’hésitations, nous avons opté pour adresser un blâme à notre camarade et lui demander de s’amender. Il accepta et de ce fait resta notre responsable fédéral. Ce fut un moindre mal.

Maurice Magis était aussi conseiller communal à Dampremy et il était très actif. En 1950, il avait organisé une manifestation contre la venue à Charleroi du général polonais Anders. Il faut se rappeler un fait. Après le déclenchement de la guerre contre la Pologne par les nazis, le 1 er septembre 1939, beaucoup de ressortissants de ce pays s’étaient , en grand nombre, réfugiés en France. Plusieurs d’entre eux s’étaient engagés dans la Légion étrangère pour lutter contre les Allemands.

En juin 1940, comme le général De Gaulle, un général polonais réfugié en Angleterre lança à son tour à ses compatriotes un message leur demandant de porter les armes contre l’envahisseur et les engagea à combattre aux côtés des Anglais. La légion étrangère permit aux Polonais qui le voulaient de rejoindre cette armée en formation. Ils se distinguèrent en Afrique du Nord, en Italie, en France et dans les combats en Hollande ainsi que lors du franchissement du Rhin.

Après la guerre, quoiqu’il ait constitué une armée avec l’accord des Russes, le général Anders ne se solidarisa pas avec les nouveau gouvernement de démocratie populaire en Pologne. Il devint un anti communiste virulent.

En 1950, il vint tenir une conférence au passage de la Bourse à Charleroi pour fustiger le nouveau gouvernement polonais, l’Union soviétique et le système communiste en général Une contre-manifestation rassembla d’anciens résistants et des militants communistes qui vinrent clamer leur hostilité. Les militants communistes de Marcinelle y étaient nombreux.

C’est dans ce climat émotionnel qu’un Ukrainien du camp de Sart-Saint-Nicolas se vanta auprès d’un des curés présents qu’il avait combattu l’Armée Rouge avec Vlassov. Il se frappait la poitrine avec fierté. Nestor Henry, alors conseiller communal à Marcinelle l’avait entendu. Son sang ne fit qu’un tour et il administra une gifle retentissante au renégat ukrainien.

Le curé fut poursuivi jusqu’au quai de Sambre tout proche aux cris de « Arrière, noir corbeau, cri repris par tous les présents dont notre camarade Maurice Magis. Maurice fut emmené par la police vers le commissariat le plus proche. La police se sentit obligée de le relâcher car notre homme ne cessait de chanter l’Internationale à tue-tête dans le poste de police de la ville basse.

Il faut savoir que des ces Ukrainiens avaient créé des bataillons de l’Armée de Libération de l’Ukraine. Ces groupes armés  étaient commandés par Vlassov, général d’origine ukrainienne, transfuge de L’Armée Rouge. Ils s’y firent souvent remarquer par leurs crimes. Cette l’armée de libération remplaçait les divisons allemandes qui partaient combattre sur le front de l’Est.

En 1945, une de ces divisions fut engagée dans des combats à Prague et une autre en Silésie. Vlassov fut fait prisonnier par les Américains et remis aux Soviétiques. Il fut jugé comme criminel de guerre  et exécuté en 1946. La crainte d’un jugement similaire empêcha la majorité des soldats ukrainiens de rentrer chez eux. Privés de leur nationalité, il se perdirent dans la masse des millions des personnes déplacées qui avaient croupi dans les camps nazis dans toute l’Europe occidentale jusqu’en 1950. Comment s’étaient comportés toutes ces personnes durant la guerre? Nul ne pouvait le dire sauf si un des débris de l’armée Vlassov venait s’en vanter comme le renégat cité plus haut.

Le camp de Sart-Saint-Nicolas à Marcinelle abritait des personnes de mêmes origines, Estoniens, Lithuaniens et Ukrainiens.

A partir de 1945, des ouvriers mineurs furent hébergés dans des logements faits de tôles ondulées demi cylindriques comme nous l’évoquions dans un article précédent.

Roger Nicolas

A suivre.

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