Création d’une Jeunesse Populaire
Pour rappel : Roger découvre le militantisme au sein de la section de Marcinelle du Parti communiste.
Entretemps, la section de la jeunesse appelée Jeunesse Populaire de Belgique s’agrandit et recrute de nombreux membres dans d’autres quartiers de Marcinelle. Ce fut, dans les années 50, la plus forte section de la région de Charleroi. Elle comptait 92 membres. Nous étions invités aux réunions qui se tenaient dans l’atelier de la vitrerie de Nestor. Nous participions aux activités du parti. La marraine de la section JPB était Georgette, l’épouse d’Auguste Wéry de Gosselies, délégué principal FGTB aux ACEC. A cette occasion, elle offrit un drapeau rouge sur lequel elle avait brodé « JPB, section de Marcinelle. Le drapeau se trouve maintenant dans les locaux du centre d’archives de la Maison du Peuple de Dampremy.

En ce temps, pour devenir membre du Parti Communiste, on devait être présenté par un parrain et une marraine. Quand j’ai adhéré en 1949, les miens étaient Auguste Wéry, cité ci-avant et Josette Albo de Chapelle-lez-Herlaimont, déléguée aux ACEC.
à la JPB, on avait surtout à cœur l’organisation annuelle du parti sur le terrain Grisart ou au charbonnage n°, XII. Boisdenghien venait immanquablement y chanter son « arguedène : l’héritach d’èm monok Colas *» . C’est lors d’ une de ces fêtes que je fis la connaissance d’une lointaine petite cousine que je ne connaissais pas. Elle s’appelait Rose et était la petite nièce de ma tante Eugénie Cotignac qui habitait dans les baraquements de la Ferme Bal . Ma grande tante était une femme de tête auvergnate qui dirigeait sa famille d’une poigne de fer. Il ne faisait pas bon de la contredire.
Nous participâmes aux campagnes électorales. En 1954, la liste du parti obtenait le numéro 5. Nous étions allés inscrire un énorme n° 5 accompagné de la faucille et du marteau sur le terril des Hiercheuses. Il a fallu utiliser six seaux de chaux et cela se voyait de loin. L’expédition avait été conduite par Raymond Janti. Un soir alors que nous faisions des inscriptions à la chaux dans la rue Delestienne, des gendarmes se sont pointés dans la rue. Ils traquaient les « chauleurs », ainsi appelait-on ceux qui faisaient ce genre d’inscriptions. Nous nous sommes cachés dans un recoin sombre de l’ancien cinéma Astrid. Nous étions tous appuyés contre le mur quand un ivrogne choisit cet endroit pour venir uriner. Il le fit sur les jambes de Nestor qui l’engueula à voix basse » »Recule, saligot**, recule ! » Tout le monde s’esclaffa en silence. Les gendarmes passèrent et ne s’aperçurent de rien.
Une autre fois pendant que nous assistions à une séance de cinéma avec la projection d’un film soviétique, le petit Nestor préparait un seau de chaux. Il prépara cela dans le seau à légumes d’Eva, l’épouse de Marcel Baugniet. Vers 11 h du soir, lorsque nous prîmes le seau, il n’y eut plus moyen de retirer le pinceau. Nestor s’était trompé, il avait utilisé du plâtre à la place de chaux. D’où la grande colère de Marcel qui craignait les foudres de son épouse.
Marcel était employé aux vicinaux, il bénéficiait de la gratuité des transports en tram. Il allait chauler en empruntant ce moyen de locomotion. Un soir, je l’ai vu sur la plateforme du 54 lorsque le tram fit un arrêt brutal. Le seau de chaux se renversa et se répandit à l’intérieur du compartiment sous les chaussures des voyageurs . Nous nous empressâmes de quitter le tram et de nous esquiver par une petite rue latérale, laissant le seau sur place.

On chaulait de préférence sur les murs de clôture des usines. L’inscription prenait plus de temps. Sur le mur de la prison de Charleroi, nous exigions la libération de Gastone Lodolo. Nous chaulions pour la paix, contre les 24 mois du service militaire, contre les impôts nouveaux…. Bref, pour propager les slogans du parti.
Après un chaulage de nuit dans les rues, chacun s’en retournait chez lui. Nestor Giot faisait de même mais ce qu’il ne savait pas, c’est que son seau laissait s’échapper goutte à goutte le restant de chaux. Le lendemain vers midi, les gendarmes n’eurent qu’à suivre les traces et aboutirent chez lui. Son épouse Léonce, une dure à cuire, ouvrit la fenêtre de l’étage pour s’enquérir de ce qui se passait. Les gendarmes lui dirent qu’ils savaient que Nestor était le « chauleur ». Léonce leur darda des yeux terribles quand un de gendarmes lui dit » Madame, si vos yeux étaient des pistolets… ». celle-ci leur répondit : « Si c’était vrai, ton ventre serait troué. » Nestor fut convoqué à la gendarmerie mais quelque temps après l’affaire « passa au bleu*** ».
*Sa rengaine : l’héritage de mon oncle Colas
**Salaud
*** fut oubliée
A suivre
Roger Nicolas