Et les Polonais ?

En 1926, Pilsudski, Ministre polonais de la Guerre imposa son autorité par un coup d’état qui le porta au pouvoir jusqu’en 1935. Sa dictature, soutenue par le patronat des combinats industriels du charbon et de l’acier , permit une amélioration des finances de L’Etat polonais grâce aux exportations de charbon et de produits métallurgiques , vendus à des prix de dumping, obtenus en maintenant artificiellement le salaire à des taux très bas.

Pilsudski

Les salaires bas et une inflation importante causaient souvent des disettes alimentaires, des manifestations de protestations et des grèves durement réprimées. On ne peut s’empêcher de tirer un parallèle entre la situation des pays de l’Est et la politique économique actuelle  qui leur permit d’inonder nos marchés de leurs produits.

Quoi qu’il en soit, cette situation malheureuse du prolétariat polonais conduisit nombre d’ouvriers à tenter leur chance » aux USA ou dans les pays d’Europe de l’ouest.

Après la mort de Pilsudski, le régime des colonels instaura une dictature militaire qui plongea le pays dans une grave crise économique. Pour entraver toute idée de réaction ouvrière, de nombreux dirigeants syndicaux furent emprisonnés. Lorsque la guerre éclata en 1939, les Allemands n’eurent bien souvent qu’à les sortir de leurs prisons pour les envoyer dans les camps de concentration nazis.

Avant-guerre, de forts contingents de travailleurs polonais vinrent chez nous pour y chercher un sort meilleur. Comme ils étaient peu regardants sur le salaire proposé qui était pour eux, de toute façon bien supérieur à ce qu’ils avaient chez eux. Ils furent une aubaine pour les patrons charbonniers et parfois un obstacle aux luttes ouvrières que menaient les organisations belges pour une amélioration des conditions de travail de nos mineurs. Il y eut d’ailleurs des heurts parfois violents entre grévistes belges et « jaunes » polonais inconscients de rôle de briseurs de grèves qu’on leur faisait jouer malgré eux.

Ils s’en rendirent cependant bientôt compte et eux aussi, se coalisèrent et commencèrent à constituer des organismes de défense aux côtés de leurs camarades belges. Leurs principales revendications revendicatives portaient sur des augmentations de salaires car ils n’avaient pas été longs à se rendre compte qu’ils ne connaîtraient ni la fortune espérée, ni la sécurité dans les mines et de meilleurs logements. Leurs responsables se réunissaient en secret dans un café de Marcinelle Haies. Plus tard, ce café étant repéré , les réunions se tinrent dans une maison particulière de la rue neuve à Marcinelle. Pour eux aussi, la répression policière avait la main lourde. Un vieux Polonais résidant au Sart Allet à Gilly se souvient : «  A la sortie d’un meeting particulièrement houleux, mon père fut pris à partie par des représentants de l’ordre. Il fut roué de coups de matraques, et, toute sa vie, en garda les traces sur le dos. »

La presse de droite, particulièrement mal intentionnée, ne manquait pas de les dire querelleurs, buveurs et les décrivait comme jouant volontiers du couteau. On retrouvera ces qualificatifs lors de l’arrivée des ouvriers italiens en 1946.

Les Polonais avaient, comme tous les déracinés, le mal du pays et aimaient se retrouver entre eux. Leur riche folklore leur donnait l’occasion, d’organiser leurs propres divertissements auxquels participaient d’ailleurs de nombreux amis belges. Dans l’immédiat après-guerre, il était cependant encore mal venu de fréquenter les bals polonais. De jeunes employés des ACEC furent, un jour blâmés, pour les y avoir été aperçus. Une jeune fille fut même menacée de renvoi parce qu’elle fréquentait les soirées polonaises de Châtelineau et qu’elle arborait un petit drapeau polonais rouge et blanc sur sa blouse.

Spotkanie groupe de danses folkloriques polonaises

Près de 50 ans plus tard, ces « crimes » sont oubliés et on se rend mieux compte de l’inanité de telles mesures d’intolérance. Bien peu aussi  parmi les descendants de ces immigrés connaissent encore aujourd’hui les rudes conditions qu’ont connues leurs grands-parents.

« Et les Polonais ?». C’était le titre d’un article du journal le Rappel en date du 12 mars 1930. Pas plus que les Italiens, Antoine Bernbowy de Montignies-sur-Sambre, ne fut autorisé à prononcer un mot d’adieu à ses compatriotes tués dans la mine. Seul put le faire un prêtre polonais qui, après son homélie, fut hué par une cinquantaine d’ouvriers. Antoine Bernbowy lui cria dans sa langue maternelle «  A bas les fascistes polonais !  A bas le Ministre de Pologne ! » Il fut poursuivi pour outrage à un ministre plénipotentiaire. Le Rappel écrivait alors que les Polonais étaient plus aptes à jouer du couteau qu’à comprendre la politique.

Texte écrit par notre ami Roger Nicolas.

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