Nous, les mineurs, les gueules noires.

Serions-nous déjà oubliés ? Nous qui produisions la première richesse du pays qui, très tôt le matin, la besace sur l’épaule avec nos tartines et notre bidon de café, nous quittions notre famille pour aller descendre dans les entrailles de la terre pour lui, arracher son or noir sachant très bien tous les risques que nous encourrions afin de pouvoir vivre, survivre. Nous ne songions pas à tous ces malheureux qui ont laissé leur vie dans ces entrailles de la terre pour les mêmes raisons que les nôtres.

Nous descendions des centaines de mètres dans la terre avec une petite lumière. Nous avions souvent un grand bout de chemin à faire à pied dans ces tunnels sombres où il fallait baisser la tête car les bois de soutènement pliaient sous le poids de toute cette terre à supporter. Nous arrivions à la taille, nous faisions une courte pause tout en pendant notre veste et notre besace de façon que les souris n’y rentrent pas. Nous raccordions nos marteaux à l’air comprimé et en avant la musique. Nous entendions un bruit infernal durant quelques heures.

Nous connaissions notre boulot mais c’était le rendement qui préoccupait le plus le porion, le volume de charbon que nos tailles fournissaient. Chaque jour, cet homme devait l’inscrire dans un rapport que l’ingénieur contrôlait et gare s’il y avait une diminution du rendement. L’homme en supportait les conséquences et les ouvriers subissaient les remontrances.

Cet or noir que nous arrachions dans les entrailles de la terre faisait tourner les centrales électriques qui illuminaient les rues et les maisons. Pendant les mois d’hiver, nous pouvions sentir la douce chaleur très agréable et appréciée sortant du poêle surtout en voyant le temps exécrable du dehors. Grâce à cet or noir, beaucoup d’entreprises produisaient beaucoup de matériaux et faisaient travailler de très nombreux ouvriers.

Oui, nous les gueules noires, nous grignotions le charbon dans de drôles de positions comme les termites tout en respirant les poussières. Celle-ci se collait à notre sueur mais aussi à l’intérieur de notre corps. Avec notre calotte de cuir sur la tête, nous étions préservés des cailloux qui se détachaient du plafond. A cause du bruit infernal, nous n’entendions pas les craquements des bois ni les effondrements là où le charbon était extrait. Lorsque nous entendions résonner des coups sur la conduite d’air, on s’appelait l’un à l’autre. Les marteaux piqueurs s’arrêtaient alors. C’était l’heure de casser la croute.

Nous mangions nos tartines avec nos mains sales, souvent accompagnés de nos petites amies, les souris qui venaient ramasser les miettes de pain tombées. Souvent aussi, avec notre bon cœur, nous leur jetions une croute. Pendant ce moment de silence, on entendait craquer les bois qui pliaient sous le poids de la terre. Le travail du mineur était dur, très dur, malsain et dangereux et mal payé. C’est la raison pour laquelle les mineurs belges défendaient à leurs fils d’exercer ce métier, de les remplacer. C’est la raison pour laquelle les charbonnages firent appel aux travailleurs étrangers, polonais et italiens le plus souvent.

Combien les entrailles de la terre n’ont-elles pas conservé de victimes ensevelies, des tonnes de pierres. Combien n’ont-elles pas créé d’invalides qui souffrirent de longues années. Ils toussaient et crachaient sans cesse des parcelles de leurs poumons. cela causait beaucoup de peine à ceux qui vivaient avec eux. La vie et le travail d’un mineur n’était ainsi que souffrances. Les pensions d’invalidité, de retraite, de maladie professionnelle ne pouvaient mettre un terme à ces souffrances.

Aujourd’hui, on n’entendra plus parler des mineurs, des gueules noires des charbonnages, de leurs souffrances. Une page d’histoire est tournée. Les quelques vestiges que l’on veut conserver comme souvenirs disparaîtront bientôt car cela demande beaucoup d’entretien et couter très cher.

Stanislaw Kalecinski

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