Les ACEC, fondés entre 1881 et 1886, deviennent le joyau de l’électromécanique belge dès les années 1920, en jouant un rôle majeur dans l’électrification du pays, grâce à leurs centrales, et la densification des transports publics, avec la production de nombreux trains et trams. La firme se distinguera au fil du temps par sa large panoplie de fabrications (son slogan était : « du moulin à café à la centrale nucléaire »). Cette diversification explique pourquoi les héritiers des ACEC soient aujourd’hui si éloignés les uns des autres, que ce soit Nexans (câblerie), Thalès (spatial) et Alstom (ferroviaire) à Charleroi ou encore Inductotherm (électrothermie) à Herstal.

La première cellule des ACEC s’observe précocement dès les années 1930 sur son site de Ruysbroeck (Leeuw-Saint-Pierre, près de Bruxelles), situé dans la zone industrielle de la vallée de la Senne. L’activité militante décolle durant la guerre avec des grèves contre le travail forcé, puis à partir de la Libération avec l’accession du responsable communiste local, Jean Lambert, à la présidence de la délégation syndicale. L’évolution de ce groupe reste mystérieuse mais il semble clair que le nouveau délégué principal se soit concentré sur son mandat syndical et sa propre carrière, aux dépens de sa cellule. L’écartement d’un militant trop zélé en 1952 marque l’arrêt formel de l’activité du PCB dans l’usine. Ruysbroeck se traînera désormais syndicalement aux initiatives des trois autres sites des ACEC et rechignera à rallier la plupart des grèves conjointes. Son désistement avec une large unanimité à la grande grève de 1979 pour les 36 heures par semaine10, malgré des semaines de blocage général, est révélateur du décalage.
L’activité de la cellule d’Herstal est plus longue, mais son succès est davantage momentané. Il repose beaucoup sur un spectaculaire coup d’éclat en décembre 1940. Louis Neuray, électricien communiste depuis 1934 et fraîchement arrivé aux ACEC, parvient mettre le site à l’arrêt. C’est la première action ouvrière de masse depuis l’invasion, un acte pionnier de la Résistance. Le directeur des ACEC, trop heureux de marier sa firme à Siemens, collabore à l’arrestation des agitateurs. Déporté en 1941 avec treize autres grévistes (qui mourront dans les camps), Neuray revient au pays en octobre 1944 et mobilise les ouvriers pour incarcérer ses ex-patrons, avec l’aide de résistants armés. Leur détention sera courte et ils seront blanchis, malgré une longue bataille judiciaire de trois ans. Dégoûté, Neuray s’exilera en 1948, explosant la cellule locale qui peinera à survivre au départ de son champion syndicaliste.
Les PC, et plus encore leurs cellules d’entreprise, ont constitué un lieu à nul autre pareil de rencontres sociales entre salariés d’une même société.
C’est grâce à la force d’encadrement de la fédération liégeoise du PCB que la cellule, accolée à sa grande sœur de la FN, persistera avec une grosse cinquantaine de membres, notamment à la suite de la grande grève de 1960-1961. Le travail en la matière de Clément Tholet, cadre ouvrier du parti, est à éclaircir, mais son influence sur les deux successeurs communistes du renardiste Henri Gillon à la tête de la délégation syndicale (Jules Letems et Léon Warlomont), de 1967 à 1986, paraît avoir été décisive sur sa pérennité, y compris à Elphiac (atelier séparé et vendu en 1969). La FGTB et le PCB locaux ne joueront toutefois qu’un rôle passif dans les grèves à venir, à l’exception du moment-clé de 1979.
Le cas de Gand est le plus tardif. Une étude spécifique et plus fouillée de ses archives (Amsab) permettrait de mieux en cerner les contours mais les grandes lignes sont perceptibles. Un groupe a émergé de l’usine à la Libération et a grandi à mesure que Robert Blansaer déployait ses ailes. Le syndicaliste gantois est l’exemple qui se rapproche le plus de Dussart. À l’opposé d’Herstal et de Ruysbroeck qui pèchent par l’absence de chef emblématique stable, Gand est figuré par son délégué principal, communiste, comme à Charleroi. Blansaer a gravi lentement, dès 1948, les échelons de la FGTB interne, au sein d’une usine qui s’est souvent distinguée en locomotive syndicale de la région, pour atteindre son but en 1970. s’il s’est illustré surtout par l’occupation exceptionnelle de la fonderie en 1973-1974, Blansaer n’est cependant jamais arrivé à y cultiver une vraie cellule. Gand n’a toutefois manqué aucun des grands rendez-vous syndicaux jusqu’en 1985, y compris en 1979 même si une minorité l’a privé au dernier moment des 36 heures.
A suivre
Ecrit par Adrian Thomas dans la revue Lava (https://lavamedia.be/fr/quarante-ans-de-cellules-communistes-aux-acec/