1944
Le 22 janvier 1944, la destruction d’une cabine en gare de Péruwelz entraîne l’interruption du trafic pendant cinquante-six heures.
Le 25, les partisans du Corps 024 dynamitaient les écluses de Roux et Marchienne après avoir tué les deux sentinelles allemandes veillant sur les ouvrages.
Le 28, les usines Jackson à Lignes, reçurent la visite des partisans décidés à ralentir la fabrication des culasses de canons. Le moteur de commande y fut saboté, des pièces de machines-outils enlevées et une grande quantité d’huile vouée à la perdition. Qu’on ne s’étonne pas, après cela, si l’usine fut réduite au chômage durant de longues semaines.
Le 4 février, sur la ligne Liège-Fléron, un train fut lancé en direction de Liège selon les normes habituelles. Le convoi échoua dans une voie de garage à Vaux-sous-Chèvremont. Locomotive et wagons avariés, telle fut la conséquence de cette histoire.
| Monument à Ferrières |

Sur la fin du mois, 170 Allemands attaquèrent le maquis de Werbomont. Les patriotes disposaient de l’armement suivant : une mitrailleuse, un fusil-mitrailleur, une mitraillette, dix carabines et dix révolvers. Mais ils avaient l’avantage de la position. L’affaire se solda par 25 tués et 34 blessés du côté allemand, trois tués et un prisonnier pour les nôtres.
Le 18 mars, deux locomotives et vingt-six wagons devaient être rayés de la liste du matériel disponible ; l’intervention des P.A. les immobilisa sur la ligne 165 à Florenville.
Le 17 avril, Trivières fut réveillée par l’explosion d’un transformateur de 70 000 volts.
Le 29.à Itegem, entre Lierre et Heyst, un train militaire déraille : 10 victimes, 3 Allemands et 7 V.N.V. et la voie demeure obstruée pendant quatre jours.
Du 30 octobre 1943 au 30 avril 1944, plus de trois cents opérations désorganisèrent le service des chemins de fer. En voici quelques détails : 198 ruptures de rails, 22 déraillements, 50 destructions d’aiguillages, 12 destructions de cabines de signalisation, 78 locomotives avariées dont 24 complètement hors d’usage, 303 wagons réduits en ferraille et 916 sérieusement endommagés, 5 grues démantibulées et 1210 wagons immobilisés par suite de ruptures de boyaux de freins Westinghouse.
Dans le Limbourg, les partisans célébrèrent le 1 er mai en s’attaquant aux lignes de chemin de fer à Saint-Trond, à Tongres, à Hasselt, à Neerpelt et ailleurs.
Le 15 mai, un énorme ponton s’écroulait dans le canal de Blaton à Ath entre les écluses de Maffles et de Chièvres. De ce fait, les péniches subirent un retard de deux jours.
Le 17, les P.A. du Corps de Louvain firent preuve du plus parfait esprit d’entr’aide et de discipline. Au cours d’une expédition, un homme atteint de quatre balles de mitraillette réussit à s’échapper et se réfugia dans une petite villa où il tomba évanoui. Hélas ! le maître des lieux n’était autre que le collaborateur le plus acharné de toute la région. Il s’empressa donc de faire appel à la Gestapo. Mais le curé du village avait remarqué le manège et le brave homme courut avertir les partisans avec lesquels il était en rapports suivis.
Un détachement rassemblé rapidement marcha aussitôt vers la villa dans le but de secourir le camarade en danger. Malheureusement, la Gestapo était déjà sur place. Au cours du combat, inévitable en pareille rencontre, le commandant Edgard eut la tête fracassée par une rafale de mitraillette. Il paya de sa vie le salut du blessé qui put miraculeusement s’échapper …
Le 11 juin, les « Industries boraines » à Quiévrain, servaient à leur tour de théâtre à l’activité des P.A. Quatorze machines rendues inutilisables sur les seize que comptait l’établissement, un moteur projeté à travers la toiture, des dégâts estimés à trois millions de francs.
Le 14, dans le nord du Limbourg, trois P.A. retour de mission se virent cernés par une vingtaine d’Allemands. Nos hommes se terrèrent dans un fossé et la lutte s’engagea. Elle dura de 23 h 45 à 4 h du matin. Révolvers, grenades, carabines eurent voix au chapitre.
Au petit jour, les Allemands comptèrent leurs morts : onze … ! Ils ne retrouvèrent que deux partisans : un tué et un blessé qu’ils fusillèrent un peu plus tard. Le troisième avait pu s’échapper après avoir combattu jusqu’à l’épuisement de ses munitions.
Le 18, un train chargé de matériel de D.C.A. déraille sur la ligne Ypres-Bruges.
Le 25, un drame terrible se joue à Schaltain où les Allemands avaient entrepris une battue dans le maquis. Le combat dura quatre heures : une centaine d’Allemands et vingt P.A. restèrent sur le champ de bataille. Dès le début de l’engagement, les hommes de garde avaient fauché à la mitrailleuse les nazis à leur descente des camions qui les avaient amenés. Le chef de la Gestapo et l’officier commandant la feldgendarmerie se trouvaient parmi les morts.
Quelle somme de courage peut cacher ce petit communiqué dont la date est illisible : « Une poignée de partisans liégeois, avec Pierre Berndt à leur tête, s’est emparée d’un camion blindé transportant des armes et des munitions de la FN. »
Après avoir maîtrisé l’escorte, les P.A. conduisirent le camion jusqu’à un endroit isolé. Mais il leur fut impossible d’ouvrir les portières. Ils percèrent la toiture du véhicule et, par l’ouverture, sortirent les caisses qu’ils chargèrent dans leur propre voiture. Après quoi, le camion blindé fut lancé dans la Meuse où il s’engloutit.
Pierre Berndt, devenu par la suite commandant de Corps à Charleroi, fut arrêté par la Gestapo, reconnu grâce à une blessure reçue au cours d’une expédition antérieure et torturé de façon monstrueuse … Ses bourreaux le pendirent par les pieds et glissèrent sous sa tête un baquet d’ammoniaque. La volonté, la grandeur d’âme du partisan égalaient sa force physique, Pierre Brendt ne parla pas et revint du supplice, meurtri sans doute, mais vivant et vainqueur.
Le 7 juillet, les partisans poussèrent l’audace jusqu’à détruire deux boîtes de connection d’une cabine téléphonique assurant le relais entre le champ d’aviation de Chièvres et les postes d’observation établis alentour. Les communications demeurèrent coupées durant quinze jours.

Le 14, le cabine des transformateurs alimentant en énergie électrique le poste d’aéro-repérage du même champ d’aviation était dynamitée : deux pylônes et un transformateur détruits !
Cela devait singulièrement contrarier les Allemands déjà bien malmenés par les puissantes escadres aériennes alliées.
Le 15, deux partisans venaient d’être jugés au Palais de justice de Gand. Une auto les emmenait sous l’escorte de quatre boches hargneux. La voiture s’engageait dans une rue étroite quand, brusquement, deux maçons imprudents poussant devant eux une charrette encombrée de baquets, de sacs, d’échelles et d’outils, vinrent barrer le passage. Un coup de klaxon coléreux rappela les deux ouvriers au respect du règlement de roulage. Eperdus, les deux huluberlus lâchèrent les bras de leur véhicule … firent le simulacre de les rattraper mais … s’emparant de deux mitraillettes dissimulées sous un sac, ils ouvrirent le feu sur les Allemands.
Deux soldats tombèrent, les deux autres durent leur salut à une fuite rapide. Les partisans déguisés en maçons emmenèrent en courant, leurs camarades si cavalièrement libérés. Au premier tournant, une auto, portières ouvertes, attendait les quatre patriotes. Et nous avions cru rencontrer deux ouvriers maladroits !
Nous voudrions pouvoir suivre nos partisans pas à pas. Ainsi nous assisterions au dynamitage des compresseurs aux ateliers de réparation des locomotives à Verviers, par les P.A. du Corps 014 … Nous serions témoins des combats livrés à Petit-Rechain et à Andrimont à l’heure de la libération.
Et puis, avec d’autres partisans, nous nous arrêterions à Sauvenières près de Gembloux le 8 septembre 1944 et nous verrions trois de nos hommes étendus : deux morts et un mutilé. L’attaque d’un bosquet où une vingtaine d’Allemands s’étaient retranchés nous a coûté ces pertes. Deux patriotes français (F.F.I.) et un soldat américain furent tués eux aussi, au cours de l’engagement tandis que dix Allemands payaient de leur vie un entêtement inutile.
Mais voici une page encadrée de noir … Nous y sommes revenus parce que nous y voyons des noms … beaucoup de noms, les « Vingt-quatre ».
Achten Jan 29 ans
Bergmans André 23 ans
Cornips Théo 33 ans
Cuypers Albert 24 ans
Dekelver Pieter 23 ans
Delsaer Gaston 21 ans
Dorissen Jan Franz 43 ans
Grommen Juul 23 ans
Heyligen Alfons 20 ans
Horemans Louis 21 ans
Jeurissen Pieter 38 ans
Jordens Emiel 23 ans
Jordens Josef 22 ans
Mackelberghe Julien Léon 28 ans
Maenen Denis Josef 24 ans
Marting Mathieu Johannes 28 ans
Meuris Alfons 31 ans
Moureaux Armand 33 ans
Schaeken Alfons 23 ans
Schaeken Clément 20 ans
Smets Jan 37 ans
Thiemen Hubert 24 ans
Vanhees Jan 29 ans
Tous ces partisans arrêtés dans le Limbourg où ils menaient la guérilla contre les boches et contre les traîtres se pire acabit, avaient été transférés à Breendonck.
Les Allemands se proposaient de les ramener à Hasselt afin de les traduire en conseil de guerre. Mais, redoutant une attaque des P.A., les nazis les déplacèrent et la sinistre forteresse servit de cadre au semblant de jugement. Comme il fallait s’y attendre, les « Vingt-quatre » qui n’étaient déjà plus que des épaves, furent condamnés à mort.
L’exécution…non, le massacre eut lieu le 24 mars 1944.
Nous disons bien le « massacre » car après la libération, quand on procéda à l’exhumation des corps, on constata que les victimes portaient d’affreuses blessures étrangères à toute exécution régulière : coups de baïonnette dans le dos, crânes défoncés à coups de crosses, membres rompus, mâchoires fracassées à coup de pelles !
Le journal clandestin « Le Partisan » d’avril 1944 annonçait la mort de ces braves et faisait, au nom de tous les camarades, le serment de les venger.

On peut dire que tous tinrent parole ainsi qu’on l’a vu, dans leurs efforts de réaliser leur devise : « Hors du pays, l’occupant »
Prochain épisode : « Jours de gloire »