
Les images qui tournent sur nos chaînes de télévisions, les propos qui sont diffusés sur nos radios ou écrits dans notre presse dite libre et impartiale me font mal. Sous forme d’impartialité, à propos du conflit israélo-palestinien, on parle d’équidistance.
Quel comportement jésuitique ! On te chasse de ta maison et un étranger vient l’occuper. Tu manifestes devant ton lieu de prière, la grande mosquée de Jérusalem et tu es agressé par une armée, oh combien puissante. Tu es enfermé depuis des décennies dans une enclave de 360 km 2 . Tu ne peux te défendre. On comptabilise les morts sur les plateaux d’une balance : 12 d’un côté, 213 de l’autre. Oui bien sûr, un seul mort, c’est déjà un de trop. Mais pourquoi ?
Je vais vous l’expliquer à la suite de mon vécu sur place. En avril 1999, j’ai accompagné une délégation de solidarité française menée par mon regretté camarade Fernand Tuil, « l’Association de Jumelage entre Camps palestiniens et Municipalités françaises ».
Pour mon séjour sur place, je fus accueilli par une famille palestinienne qui me fit découvrir la réalité de leur quotidien. Cette petite maison abritait outre l’épouse de mon hôte, un instituteur, ses quatre enfants ainsi que ses deux vieux parents. Ceux-ci me montrèrent une vieille clef, celle de leur maison, la maison dont ils avaient été chassés. Ils la conservent si précieusement car ils ont gardé l’espoir de la retrouver, d’y retourner.
Savez-vous où elle se trouve aujourd’hui leur maison ? Elle est tout simplement sous la dalle béton de l’aéroport de Tel Aviv. Autrement dit, au travers de la clef, ils expriment un geste, symbole de retour.
Que s’est-il passé ? En 1948, de très nombreux Palestiniens sont chassés de leurs maisons, chassés par la force brutale de l’armée israélienne. Les soldats n’hésitèrent pas à brutaliser et même tuer les récalcitrants. Ceux qui partirent n’emportèrent que quelques maigres baluchons. Ils étaient devenus des réfugiés.
Où trouvèrent-ils un lieu hospitalier pour les abriter ? Après avoir dormi à la belle étoile, ils furent secourus par les Palestiniens chrétiens, leurs frères. Par la suite, la communauté internationale prit le relais et les abrita dans un premier temps sous des tentes puis avec le temps passant, elle leur bâtit un abri en dur de trois mètres sur trois. Neuf mètres carrés pour accueillir toute une famille. Les décennies passèrent et au fur et à mesure du temps, Ils ont construit de bric et de broc, de façon très hétéroclite pour augmenter leur espace vital.
Voilà, le visiteur belge que j’étais fut accueilli avec chaleur fut à l’écoute de leur vécu. Mon hôte avait de la chance, il devint instituteur, il travaillait à l’époque pour l’UNWRA (ONU pour les réfugiés palestiniens). J’ai ainsi compris qu’on pouvait devenir réfugié dans son propre pays.
Ceux qui en avaient les moyens ont fui à l’étranger mais les autres furent appelés à vivre dans des camps de fortune. Celui où je fus accueilli était un petit camp de 500 âmes. Je fus accueilli dans plusieurs maisons et j’appris ainsi des mille et une entraves mises à leur liberté d’existence. Ils sont des réfugiés et continuellement sous la menace, ils vivent grâce à la dépendance de la communauté internationale.
Où trouver du travail ? Le chômage atteint les plus de 43 % à Gaza. Des entraves sont mises à leur déplacement. Certains jours, les routes sont barrées par les forces d’occupation. On ne peut donc quitter son domicile. A 10 h, le passage est peut-être réouvert mais il est trop tard, la journée de travail est perdue. Cela peut parfois durer plusieurs jours.
J’ai vécu un épisode très significatif de la peur qui habite ces personnes. Un beau jour, mes nouveaux amis me proposent d’aller à Ramallah effectuer une visite. A retour, le route est barrée par une herse et quatre militaires armés jusqu’aux dents effectuaient un contrôle. Mes compagnons me disent : « Robert, ne parle pas et ne bouche surtout pas car ils n’hésitent pas à tirer ». J’obéis, évidemment et je constatai que mes quatre compagnons, des hommes en pleine force de l’âge se sont affaissés sur leur siège. Ils se sont fait tout petits. Ils avaient peur.
J’ai rencontré beaucoup de monde durant ce séjour, des Palestiniens mais aussi des Israélien(ne)s, femmes et hommes courageux qui s’opposent à la politique de colonisation, à l’apartheid mené par le gouvernement israélien. Déjà en 1999, Israël commençait à construire des maisons pour y loger les futurs colons. C’était il y a 22 ans et qu’a fait la communauté internationale ? Phraser, phraser, … se donner bonne conscience.
J’en suis revenu meurtri au plus profond de moi-même.
Robert Tangre