| Le pont du Ventaire |

Les sabotages effectués sur une grande échelle et paralysant la plupart des voies ferrées avaient contraint l’ennemi à intensifier le trafic sur la ligne Charleroi-Mons passant par Monceau-sur-Sambre et Fontaine-l’Evêque. Aussi, le commandant régional de Charleroi, ne fut-il pas étonné de recevoir de l’Etat-Major National l’ordre de faire sauter le pont du Ventaire situé entre Fontaine-l’Evêque et Goutroux.
Le commandant D …, chef de bataillon, fut chargé de la mission. Il alerta le 2 ème bataillon du Corps 024 et, par une nuit d’été, les partisans se concertèrent aux environs de l’objectif. Le commandant désigna une partie de ses hommes pour la garde des rues adjacentes puis, choisissant les meilleurs éléments de son groupe, il les emmena sous le pont.
Les saboteurs tombèrent la veste et se mirent aussitôt à l’ouvrage. Après deux heures d’efforts, ils jugèrent que l’ouverture creusée dans la maçonnerie avait atteint la profondeur suffisante. Les charges furent alors soigneusement mises en place.
D … ordonna la retraite de ses hommes puis, se dissimulant derrière un poteau à 70 mètres de l’objectif, il établit le contact électrique. L’explosion éparpilla un énorme nuage de fumée, de poussière, de ciment et de briques pulvérisées. Le partisan s’en échappa et s’enfonça dans la nuit à travers champs. Il rayonnait de joie.
Malheureusement, le lendemain matin, une grande déception l’attendait. L’explosion, formidable en elle-même, n’avait fait qu’ébranler le pont. La rage au cœur, D … surveilla la marche des travaux de réfection dirigés par les boches. Huit jours plus tard, le pont était remis en service. Mais les P.A. ne s’avouèrent pas battus. Audacieusement, ils renouvelèrent l’attentat. Tout se déroula dans les mêmes conditions, pas une patrouille ne vint déranger les saboteurs. Comme au cours de la première expédition, la mise à feu électrique fut employée et le lendemain matin … le pont était toujours en place.
A distance, il paraissait intact. Seules quelques fissures et deux ou trois centaines de briques arrachées témoignaient un ébranlement dangereux certes mais non irréparable. Dix jours encore et la circulation serait rétablie. C’en était trop ! Les P.A. décidèrent une troisième expédition. Ils finiraient bien par avoir le dernier mot. Mais cette fois, les choses se compliquèrent. Emus par les deux attentats répétés, les Allemands avaient ordonné la réquisition de civils belges et leur affectation à la garde du pont.
En conséquence, une vingtaine d’hommes s’étaient installés dans les dépendances de la gare de Fontaine-l’Evêque. A tour de rôle et par équipes, ils veillaient sur le pont.
Cette mesure ne découragea pas nos partisans. Tombant à l’improviste sur les factionnaires, ils n’eurent aucune peine à les convaincre de l’inutilité de toute tentative de résistance. ET, les paisibles citoyens qui, l’instant auparavant bavardaient sur la pluie ou sur le beau temps, se laissèrent docilement enfermer dans la salle d’attente où leurs amis se trouvaient déjà sous bonne garde. Tous avaient été surpris : qui occupé à lire, qui à dormir, qui à fumer béatement sa pipe ou à jouer aux cartes.
Rageusement, les partisans s’attaquèrent pour la troisième fois au pont récalcitrant. IL fallait en finir coûte que coûte. La maçonnerie fut creusée d’un côté seulement et juste en-dessous du tablier métallique. On entassa sans compter les charges d’explosifs et, quand tous les préparatifs furent terminés, nos hommes ne purent cacher leur impatience, leur anxiété dans l’attente du résultat. Ils s’écartaient déjà de l’objectif quand un grondement, comme un halètement lointain les figea de surprise … Un train !

Le commandant prit rapidement une décision. Il envoya d’urgence quelques hommes à la rencontre du convoi avec pour mission de tirer des coups de feu en l’air à son passage. Si le train était piloté par des compatriotes, ceux-ci ne manqueraient pas de stopper.
Le commandant D … prit position derrière un poteau. La main crispée sur l’appareil de mise à feu, il attendit l’incertain. Le roulement se rapprochait sensiblement. Il ne s’agissait pas d’un train mais d’une locomotive haut le pied. Des coups de feu crépitèrent, tirés par les saboteurs. Au lieu de ralentir, la machine accéléra sa course dans un crachement de vapeur. Les cheminots allemands qui la montaient ne prisaient pas une rencontre avec les patriotes.
Mais D … était là, tout yeux, tout oreilles. Au moment propice, il déclencha la catastrophe. Le souffle de l’explosion renversa le partisan et tout s’écroula dans un déchirement de ferrailles. La locomotive fit un bond en avant mais le tender, rompant ses attaches, suivit le pont dans sa chute. Les deux masses se coincèrent entre les parois maçonnées.
Huit jours ne suffiraient plus à rétablir le trafic. De plus, la route et une ligne de tramways furent aussi coupées par l’écroulement du pont. Si ce dernier résultat ne causa pas trop d’ennuis aux Allemands, il ne leur procura pas non plus grande satisfaction …
Trouvé sur internet:
Les principaux chefs de ces mouvements étaient: Dewilde Sylvain et Huart Marc pour le Front de l’Indépendance; Derwiduée Arille pour le Mouvement National belge ; Lecocq Robert pour le Groupe G; Parée Joseph pour le Service Secret Socrate.
http://users.altairnet.net/image/histoire/ann12.html
Prochain épisode : « Rupture de câble ».