L’armée belge des partisans armés (suite IL)

Au commandement et dans l’action

Tout à sa mission de commandement, J … ne dédaignait pas rejoindre de temps à autre ses amis de la première heure et participer avec eux à quelque action mouvementée. Fin 1943, il partit, par une nuit noire, avec six hommes, dans le dessein de saboter la ligne de chemin de fer Louvain-Malines. Aux environs de Wijckmael, nos P.A. fracturèrent les coffres où les piocheurs rangeaient leurs outils et s’emparèrent des clés et des pinces de toutes dimensions. Ensuite, ils déboulonnèrent et enlevèrent presque les tire-fond sur toute la longueur d’un rail. La deuxième éclisse déjoua leurs efforts car l’outillage était usagé et les boulons rouillés. Armés d’énormes pinces, les partisans saisirent le ruban d’acier par son extrémité libérée et le plièrent jusqu’à la limite de sa flexibilité ce qui l’amena sur un rail de la voie parallèle. Alors, ils l’ajustèrent au moyen de leurs outils. Une brèche était ainsi ouverte où le train de matériel prévu pour cette nuit-là s’effondrerait certainement.

Oui, mais voilà, … les heures s’écoulaient, longues, très longues. Et pas la moindre apparence de convoi. Le retard supposé s’éternisait et, bientôt, sur le matin, les derniers espoirs s’envolèrent. Le train avait sans doute été détourné de sa première destination. L’entreprise ratait. Le mécanicien du premier convoi de passage s’apercevrait du sabotage et tout serait dit. Mais les partisans devaient s’en aller avant le lever du soleil.

Arrivés à un kilomètre de l’endroit, nos hommes qui n’étaient guère joyeux entendirent tout à coup le halètement et le grondement caractéristique d’un train en marche. Ils s’immobilisèrent un instant. Suspendant leur respiration, ils écoutèrent s’efforçant de suivre le convoi dans sa course et deviner sa position exacte. Soudain, plus rien. Une voix constata avec mélancolie : « Ils ont vu le rail enlevé et pourtant, il ne fait pas encore clair ».

Le même jour vers midi, des appels pressés tirèrent le chef de son lit. Un camarade lui apportait une bonne nouvelle. Ce que les partisans avaient cru entendre la nuit précédente n’était pas un train mais une machine haut sur pied, une machine puissante qui s’était couchée sur la flanc en abordant la partie coupée de la voie.

Mais au cours de l’après-midi, on apprit que la locomotive échouée était suivie à distance d’une autre machine, remorquant un seul wagon-lit, celle-là : le train spécial du général von Rundstedt que les boches assuraient contre tous les risques en le faisant précéder d’une locomotive sacrifiée..
Pur hasard, mais les Allemand y virent peut-être l’indice d’un service de renseignement au courant d’heure en heure de tous les mouvements de leur Wehrmacht affolée.

On assista parfois à la réalisation d’exploits dont l’ampleur et la simplicité des moyens employés paraîtront incroyables. L’occasion, l’audace, le sang-froid, tels sont les facteurs principaux de l’histoire qui va suivre.

Au début de 1944, deux jeunes partisans E … et O … appelés en plein jour à un rendez-vous à Tirlemont pédalaient sans se presser. A la sortie de la petite gare de Coorbeek-Loo, le hasard les mit en présence d’un train de marchandise arrêté. Le mécanicien et le chauffeur vaquaient à l’entretien de leur machine. La même pensée jaillit brusquement chez nos jeunes gens : « On y va ? ». Abandonnant un instant leurs vélos, ils tombèrent littéralement sur les cheminots en exhibant leurs révolvers. On détacha la locomotive de la rame, on hissa les vélos sur le charbon du tender. On embarqua les prisonniers et en route !

Quand ils eurent parcouru quelques kilomètres, les deux audacieux firent stopper. Ils invitèrent les cheminots à descendre les vélos et enfin, la locomotive fut lancée en marche arrière sur les wagons laissés en stationnement.

On devine le résultat de la manouvre. Laissant à leur sort chauffeur et mécanicien, les deux partisans repartirent en direction de Tirlemont par le chemin longeant la voie. Ils roulaient depuis cinq minutes lorsqu’un bruit lointain et un panache de vapeur annoncèrent l’arrivée d’un autre train venant à leur rencontre. Les deux jeunes gens se regardèrent en souriant. Ils mirent pied à terre. Un tronçon de rail gisait sur le ballast. Unissant leurs efforts, ils parvinrent à le soulever et à le placer en travers de la voie puis ils attendirent tranquillement. Quand le train fut bien en vue, ils se mirent à gesticuler désespérément, n’interrompant leurs gestes que pour désigner l’obstacle. Le train s’immobilisa. Le mécanicien et le chauffeur descendirent de la locomotive : « Eh bien quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? » Deux révolvers, une seule sommation suivie de la question primordiale : « Pas de boches dans le train ? Non. Avertissons le garde.

L’homme accourait déjà, intrigué par cet arrêt imprévu. La suite fut rondement menée. Le train sans conducteur arriva en trombe à Coorbeek-Loo où les débris du train précédent obstruaient le passage. Cette fois, il est impossible d’imaginer ce que fut la rencontre. La réalité dépassa toute prévision.

Les deux jeunes partisans, révolver en poche, pédalaient allègrement vers Tirlemont où ils arrivèrent à l’heure au rendez-vous. L’occasion, l’audace, le sang-froid, …

Prochain épisode : « Le canal du Centre à Seneffe. »

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