Ce prêtre et écrivain nationaliste flamand, fasciné par le fascisme dès avant la guerre, fut enthousiasmé par l’arrivée des nazis en Belgique en 1940 et rapidement nommé par l’occupant allemand à la tête du Conseil culturel flamand, un organe de la collaboration. Plus fort encore, il s’attacha à concilier nazisme et message évangélique, ce dont il tenta de convaincre le Reichsführer SS Heinrich Himmler, l’un des principaux dignitaires du Troisième Reich. De plus en plus fort, il mit son zèle missionnaire au profit du recrutement de jeunes Flamands pour combattre le bolchevisme sur le front de l’Est, dans les divisions SS et la Légion flamande.

Deux ans après la chute du Reich, en 1947, un tribunal militaire belge le condamna à mort pour collaboration, certes, mais par contumace, parce qu’il avait déjà trouvé refuge dans une Autriche très accueillante où il vécut paisiblement jusqu’à la fin de sa vie.
L’extrême-droite et le nationalisme flamand ont depuis cette époque entretenu le mythe autour de Cyriel Verschaeve, celui d’un brave prêtre idéaliste œuvrant au bénéfice de son peuple. De nombreuses rues de communes flamandes ont ainsi porté, et portent encore, le nom du bon père Verschaeve. Il a fallu attendre 2017 pour que la rue Cyriel Verschaeve de la commune de Lanaken soit transformée en rue Anne Frank et c’est symboliquement à l’occasion du 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz, que la commune de Puurs a annoncé vouloir débaptiser la rue portant son nom et qui depuis des décennies toisait honteusement l’ancien camp de concentration de Breendonk, tout proche.
Ce qui est très significatif, c’est que les deux partis politiques qui au sein du conseil communal de Puurs se sont opposés à cette décision sont le parti d’extrême-droite Vlaams Belang et le parti de la droite nationaliste N-VA. Le même jour, la même N-VA s’est une deuxième fois solidarisée des fascistes du Vlaams Belang lorsque son représentant n’a pu prendre la parole à l’occasion de la cérémonie d’hommage aux victimes de la Shoah, organisée à Bruxelles. Cela n’a rien d’étonnant : ces deux partis politiques sont des héritiers directs de la collaboration idéologique avec les nazis et nombre de leurs cadres dirigeants ont été formés dans des mouvements de jeunesse post-fascistes où se cultivait l’esprit de la collaboration.
Leur cousinage est naturel et s’est encore manifesté l’été dernier lorsque, des semaines durant, ils ont conjointement mené des négociations afin de tenter de former un gouvernement en Région flamande. C’est dire si les injonctions qui viennent aujourd’hui de plusieurs côtés en Flandre pour que les socialistes francophones acceptent de constituer un gouvernement fédéral avec la N-VA sont inadmissibles. Le PS renierait ses valeurs s’il acceptait, comme les libéraux du MR l’ont fait durant quatre ans, entre 2014 et 2018, de gouverner avec la N-VA.

Peu importe le prix politique qu’il faudrait payer en rejetant ce parti dans l’opposition, fût-il le premier parti de Flandre. C’est une question de dignité. On ne partage pas le pouvoir avec un mouvement dont la culture politique puise directement dans l’esprit de la collaboration et le nationalisme le plus égoïste, incarnant aujourd’hui ces principes dans des prises de position xénophobes, populistes et exclusivistes. J’ose espérer qu’à aucun moment, le président du PS Paul Magnette ne déviera de cette ligne ; le contraire serait le sommet de l’indignité.