Au bureau des cartes
Un beau soir, Van Brussel fut arrêté par deux soldats allemands pour infraction de circuler après le couvre-feu. Les soudards lui confisquèrent sa carte d’identité en lui signifiant de la reprendre le lendemain au bureau de la feldgendarmerie ouvert au palais de justice.

Après vérification sévère, les Allemands restituèrent à notre ami sa carte d’identité mais lui octroyèrent en même temps une verte semonce. En suite de quoi, Van Brussel décida avec ses camarades de ne plus jamais sortir sans armes. Cela devait aussi leur permettre de s’habituer au danger, de s’exercer à la méfiance.
D’autre part, au cours de son bref passage à la feldgendarmerie, Jean y avait remarqué, appliquées aux murs, de belles cartes de la région au 1/5000. Aux yeux d’un homme qui envisageait de grandes choses, ces cartes avaient une valeur inestimable. Aussi lui vint l’idée de s’en emparer. Quelques jours plus tard, il se fit accompagner d’un camarade et, chacun armé d’un révolver et d’une grenade, ils se présentèrent au palais de justice. La sentinelle leur barra le passage.
« Halte ! Où allez-vous ?
A la feldgendarmerie retirer nos cartes d’identité…nous sommes convoqués pour 19 heures.
Inutile, les bureaux sont fermés, répondit l’Allemand …
Quand je vous dis qu’on nous a convoqués pour 19 heures, répondit Van Brussel.
Vous n’êtes pas mieux informé que la feldgendarme, je suppose ? »
Devant tant d’obstination, le boche se rangea et les deux patriotes firent leur entrée, très dignes, très calmes. Van Brussel connaissait le chemin. La porte du bureau n’était pas fermée à clef. La chance était pour nos hommes. L’un d’eux entra doucement, doucement. Jean resta de faction dans le hall. Il entendit le froissement du paper hâtivement plié par son camarade. Quand enfin, ce dernier sortit du bureau il était affreusement pâle et pressé de s’en aller. Jean le rassura et lui fit comprendre le risque qu’il y avait à montrer trop d’empressement. L’homme retrouva rapidement son sang-froid et les deux amis s’en allèrent tranquillement.
A la sortie, ils furent de nouveau interpellés par la sentinelle :
« Eh ! bien, c’est réglé ?
Tout à fait réglé. Salut !
Transition
Comme il fallait bien gagner sa croûte, J … et plusieurs de ses camarades travaillaient à l’atelier central des chemins de fer à Louvain. Là, les boches amenaient fréquemment des camions de la Reichbahn de retour de France où ils avaient vu le feu. Parfois, les Allemands n’en avaient pas retiré les armes ni le matériel d’équipement, déchets de batailles … cela donna aux patriotes de Louvain l’occasion de se procurer quelques fusils de plus et une quantité respectable de munitions.
Voulant compenser largement par des destructions les services qu’ils rendaient au ralenti, nos hommes anéantirent 15 000 litres de carburant et provoquèrent l’incendie d’un atelier de carrosserie.
Le 21 juillet, les saboteurs dont l’organisation avait pris le titre « R.A.F.F. » (Front Révolutionnaire Anti Fasciste) tentèrent de célébrer la fête nationale par une série d’attentats contre les voies ferrées rayonnant autour de Louvain. Echec cuisant sur toute la ligne. Encore une fois le manque d’expérience aliénait le courage de nos hommes qui recherchèrent alors les moyens d’opérer avec plus d’efficacité.
Fin 1941, ils apprirent la formation de groupes de partisans armés. Deux hommes, Seymens et Nijssens, avertis les premiers passèrent aux P. A. sur consentement de leur chef. C’est à eux que l’on doit le rattachement des saboteurs louvanistes à l’Armée Belge des Partisans car ils demeurèrent en contact avec Van Brussel et ce dernier se rallia au mouvement dont il avait deviné toute la force, toute l’autorité. Malheureusement, Seymens et Nijssens , les deux premiers P.A. de Louvain devaient être fusillés un an plus tard.
Marié depuis septembre avec la fille du bourgmestre de Kessel-Lo, Jean avait trouvé chez sa femme une collaboratrice sûre et dévouée. Hélas, deux mois après cette union, l’arrestation des deux premiers camarades vint troubler la quiétude du couple et de tous les partisans de Louvain. Une semaine s’écoula puis de nouveaux coups s’abattirent, d’autres compagnons tombèrent aux mains de l’ennemi mais les patriotes réagirent et dans les huit jours qui suivirent, ils passèrent à leur tour à l’attaque.
Prochain épisode : « Pillage de la Werbestelle »