Armée belge des partisans armés (suite XXXVII)

Les partisans armés dans la région liégeoise. (2 ème partie)

Les Allemands ripostèrent ; une balle atteignit le partisan qui se traîna péniblement jusqu’au fond d’un petit hangar où il se dissimula de son mieux sous quelques vieilleries. Cependant les boches avaient envahi le jardin. Ils en fouillèrent tous les recoins en s’éclairant de leurs puissantes torches électriques. Finalement ils découvrirent les traces du malheureux et le trouvèrent évanoui dans son abri précaire. Les brutes jetèrent le corps dans le camion qui les avait amenés puis ils retournèrent dans la maison et le mirent à sac après avoir arrêté l’épouse Verdun.

Tous les meubles furent fracturés, les objets de quelque valeur volés et puis, plus grave, les soudards tombèrent sur une réserve d’armes, de munitions et d’explosifs. Dès lors, le pillage prit fin et les Allemands se retirèrent en emportant leur butin et leurs prisonniers.

Quand il prit connaissance du sort qui frappait son ami F… comprit que sa propre sécurité était devenue très aléatoire. En conséquence, il s’entoura d’extrêmes précautions. Ayant constaté que les Allemands effectuaient leurs rafles vers six heures du matin de préférence, notre homme prit l’habitude de se lever à 4 h 30 ou 5 h au plus tard. Il quittait aussitôt sa pension et se promenait en ville jusqu’à l’heure de se rendre à son travail. Avant de franchir l’entrée de l’usine, il s’informait adroitement, écoutait attentivement les menus potins colportés par ses compagnons.

F … avait été bien inspiré. Dans la matinée du 5 novembre, les Allemands se présentèrent chez le docteur Goudenir. Ce brave s’était rendu coupable d’héberger et, à l’occasion, de ravitailler des illégaux. De plus, il avait fourni aux partisans divers accessoires très utiles. Le docteur fut arrêté ainsi que sa gouvernante, une dame Verdun qui n’avait aucun lien de parenté avec Verdun, le partisan. Les enfants de la bonne femme furent aussi emmenés par les boches. Comme en toute occasion semblable, la maison du docteur fut fouillée de fond en comble.

Plus tard, la gouvernante fut confrontée avec Verdun. Ce dernier gravement blessé, on s’en souvient, avait été soigné par l’ennemi. Quand il put se tenir debout, il subit toute la gamme de tortures accompagnant les habituels interrogatoires de la Gestapo.

A sa libération, madame Verdun déclara que le malheureux partisan offrait l’aspect lamentable aux yeux déjà ouverts sur la mort. Les tourments endurés avaient anéanti chez cet homme toute aptitude physique. Passé aux armes quelques jours plus tard, la patriote trouva dans la mort l’ultime délivrance.

Quittant la demeure du docteur Goudenir, les Allemands se rendirent le même jour au domicile de F … Comme on le sait, notre ami était sorti depuis longtemps déjà … Dépités, les policiers teutons filèrent dare dare vers l’usine « Espérance-Longdoz » … Penché sur son établi, F… malgré son air tranquille était aux abois. Il épiait les allées et venues de tous et prêtait l’oreille aux moindres bruits. Vers huit heures, son frère s’approcha de lui et, sur un ton détaché, formula cet avertissement :

« Les Allemands ont cerné l’usine…
Nom de dieu ! c’est pour moi ! »

Holler André

Sans perdre une seconde, F … se faufila entre les machines et disparut. Quand les boches envahirent la salle où notre ami travaillait l’instant d’auparavant, nul ne s’était aperçu de sa disparition. Aussi, personne n’eut besoin de simuler l’étonnement et le chef d’équipe, lui-même fut très embarrassé quand les intrus lui ordonnèrent de les guider partout où F … pouvait être appelé à travailler vu la spécialité de son emploi.

La fouille de l’usine commença. Elle dura jusqu’à midi. Les Allemands tempêtèrent, menacèrent des pires représailles le contremaître innocent mais F … demeura introuvable. Enfin, les feldgendarmes se retirèrent non sans avoir fracturé l’armoire du partisan pour s’emparer des vêtements Et autres effets qui s’y trouvaient ? L’usine retomba dans le calme.

Vers 9 h du soir, notre ami quitta prudemment son refuge. Il était resté une journée entière dans l’étroit souterrain qui relie une sous-station à la centrale électrique. Accroupi dans l’enchevêtrement de câbles, il avait patiemment l’heure propice à son évasion. Il partit sans attirer l’attention vêtu d’une combinaison de toile bleue. Un ami dévoué lui fit place à sa table, lui céda un costume convenable et lui accorda le gîte jusqu’au lendemain matin.

De très bonne heure, le 6 novembre, F … s’embarqua pour Andenne. Dans le train qui l’emportait, méditait-il sur le danger terrible auquel il venait d’échapper ? S’abandonnait-il un instant au bonheur de vivre ou bien échafaudait-il déjà de nouveaux projets ? Cette dernière hypothèse paraît être la plus vraisemblable car dès son arrivée à Andenne, F … se rendit chez son autre frère qui le mit aussitôt en contact avec les partisans de la région. Par cette voie, l’évadé renoua ses rapports avec le commandant national et fut affecté sans retard au groupe du secteur Huy-Waremme. Il y collabora avec Clément Leflot de Tihange, commandant de corps secondé par le camarade Armand Hubin. Prises au hasard voici quelques opérations à l’actif du groupe Huy-Waremme.

Sabotage du pont roulant aux usines Thiry à Huy.
Réquisitions de cartes d’identité et de timbres de ravitaillement dans plusieurs localités.
Sabotage des scieries Chapelle à Les Avins et à Baise
Sabotages dans différentes laiteries
Réquisition d’argent dans les bureaux de postes
Sabotage des ateliers Jabon à Ombret
Incendie de colza et de lin dans les régions du Condroz et de la Hesbaye, à Bois-Borsu, Acosse et Burdinne.
Destruction de la documentation de l’Office du Travail à Huy.
Exécution de 35 traîtres.
Incendie de wagons en gare de Statte.
Sabotage des freins Westinghouse sur des centaines de wagons en gare de Statte.

F …débuta dans le secteur au cours de janvier 1943. En avril de la même année, le commandant Leflot tomba malade. Son état nécessita de longs mois de repos et le chef reprit son service au mois de septembre seulement. Ce fut pour jouer de malheur.
Au cours d’une réunion secrète, il fut arrêté par un groupe mobile de la gendarmerie belge. Sans vouloir rien entendre de la défense du patriote, les policiers le transférèrent à la prison de Ciney d’où il passa aux mains des Allemands pour finir droit au poteau d’exécution.

Appelman Cornélis

A quelque temps de là, Hubin, à qui on devait l’exécution du commissaire de police Jobat, le traître liégeois, devait faire face, lui aussi, au peloton d’exécution. La liste s’allongeait de ceux-là qui payèrent de leur sang.

En avril 1943, F … fut nommé commandant de Corps à Huy-Waremme. Au mois de février 1944, le commandant national lui enjoignit de se rendre à Verviers. Après un séjour de deux mois dans cette ville, il fut incorporé dans la brigade spéciale du commandant Baligand où il demeura jusqu’à la Libération.

Nous nous en voudrions de ne pas accorder en passant une pensée émue à ceux-là qui tombèrent pour que survive notre dignité. Le petit Delvaux frappé à mort dans un combat où l’auto qui l’emportait fut criblée de balles. Puis voici le camarade Appelman et le camarade Holler de Herve et le petit Flamand dont le nom demeure inconnu capturés à Moha, à la suite d’un e vile délation et au moment où ils achevaient leurs préparatifs pour une expédition, ils furent jugés sommairement et fusillés. D’autres prirent leurs places au combat et, aussi, au poteau, hélas !

Appelman …
Fusillé !
Holler …
Fusillé !
Les autres …
Fusillés … ! Fusillés … !

Prochain épisode : « Chasse à l’homme ».

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