L’armée belge des partisans armés (suite XXI)

Chaude alerte

Les choses ne se passaient pas toujours comme on l’aurait voulu. Le 21 juillet, les partisans vécurent une désagréable aventure et subirent une cuisante déception. L’Etat-Major national avait appelé Baligand au commandement du secteur Hainaut. Michiels était passé commandant du groupe du Centre et Thonet restait à la tête du groupe de Charleroi mais voici l’histoire.

Afin de célébrer dignement la fête nationale, les trois chefs avaient dressé le plan d’une vaste série d’opérations. Chez Michiels qui habitait avec sa femme chez ses parents, une réserve de trente kilos de dynamite était prête, destinée à servir le soir même. Une collection de révolvers et leurs munitions complétait le petit arsenal.

Baligand, Thonet et Michiels devaient se rencontrer chez le dernier nommé au cours de la matinée afin de mettre au point une question de détail et convenir du lieu du rassemblement des hommes.

Thonet fut le premier au rendez-vous mais il repartit aussitôt, une autre affaire l’attendant non loin de là. La femme de Michiels sortit en même temps que lui afin de procéder à quelques achats.

Michiels déambulait tout à son aise à travers la maison. En négligé, les bretelles lâches, chaussé de savates, il profitait largement et simplement de son intérieur. Deux ou trois coups assez violents contre la porte attirèrent son attention : « Baligand, se dit-il ». Gardant une main enfouie dans la poche de son pantalon, de l’autre, il tourna la clef, ouvrit sans défiance. Ce fut pour se heurter à trois feldgendarmes. Sans lui laisser le temps de se ressaisir les boches l’empoignèrent, immobilisèrent ses bras et le fouillèrent sur le champ.

Michiels était pris et bien pris. Par quelle suite de circonstances ? Dénonciation ? Indiscrétion ? Avait-il été reconnu ? Ou simplement soupçonné ? On ne sait. Le partisan maudissait son imprudence. S’il avait pris la peine de s’assurer de la qualité des visiteurs avant d’ouvrir, il aurait pu les abattre froidement ou s’échapper sans risque. Mais à cause de son excès de confiance, il s’était laissé prendre à l’improviste. Voyant qu’ils avaient affaire à un homme désarmé, surpris et docile mais nullement effrayé, les Allemands avaient relâché leur étreinte.

Michiels leur sourit et, prenant un air bon enfant : « Que me voulez-vous ? » Mais les Allemands ne se laissèrent pas prendre à ce miroir d’innocence. Poussant leur prisonnier devant eux, ils entrèrent dans le but de perquisitionner. Michiels comprit tout le tragique de la situation : trente kilos de dynamite et des armes. Son compte était bon.

Au moment de pénétrer dans la cuisine, l’homme vit sa vieille mère pâle, immobile comme une statue et qui le regardait fixement, d’un regard plein de pitié et de crainte. Il lui adressa un clin d’œil rassurant et malicieux. Ce qui suivit dépasse l’audace, l’imagination, la chance, les espoirs que l’on peut réunir en pareille circonstance. D’une poussée soudaine, formidable, désespérée, Michiels culbuta les deux Allemands qui l’encadraient et renversa sur eux une table qui se trouvait là comme à dessein. La porte d’une annexe était ouverte et, tout près, à angle droit une autre porte donnant sur le jardin. En deux bonds, le partisan fut dehors. Le Boche resté en arrière avait hésité une seconde … la seconde suivante, il était trop tard.

Mais le feldgendarme se ressaisit, sortit en courant par la porte principale et fit le tour de la maison dans l’espoir de couper la route à l’évadé. Il arriva juste à temps pour voir Michiels disparaître derrière la clôture.

Prévenue à temps, la femme de Michiels se garda bien de rentrer à son domicile. Elle se posta en bonne place et put heureusement avertir Baligand et Thonet. D’autres partisans furent alertés. Tous veillèrent de loin, sur la maison de Michiels. Tous se demandaient anxieusement ce qu’il adviendrait aux vieux parents enfermés dans le piège et tous se préparaient à intervenir.

Les Allemands découvrirent les armes et les explosifs mais ils eurent la miraculeuse générosité de ne pas inquiéter les pauvres vieux. Néanmoins la perte fut sensible pour nos hommes. Tous leurs projets étaient renversés : la capture de leur matériel les laissait impuissants, momentanément désarmés, incapables de célébrer à leur façon la fête nationale.

Michiels et sa femme en furent quittes à chercher un autre refuge. Tout se borna donc à la perte du stock de munitions et d’armes. Et c’est ainsi que les Allemands s’épargnèrent une démonstration qui n’aurait manqué ni de salves … ni d’imprévu.
A suivre : « L’intendance des P.A. »

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