Désiré
MOUFFE était militant communiste. Devenu résistant, il fut arrêté et mourut à
Breendonk où il rencontra un autre Courcellois bien connu, François Druine. Chaque année, jusque dans les années ’80, une
délégation de la section courcelloise du Parti communiste allait déposer une
couronne de fleurs sous la plaque commémorative apposée sur la façade de
l’habitation au 150 de la rue des Quatre Seigneuries et rencontrait ainsi sa
veuve, sa fille, sa famille, au cours d’une petite réception amicale.
Dans son livre sur Breendonk (Editions J. Dupuis, 16/09/1944), intitulé
« Le camp du silence, de la mort et du crime », Victor Trido,
ex-commissaire de police de Lodelinsart et détenu à Breendonk, consacre tout un
chapitre à Désiré MOUFFE et à sa mort (pages 43 à 45).
Sur sa page Facebook, Roger Romain rapporte les propos de Daumeries, un autre
détenu qui n’ignorait rien des souffrances de notre infortuné camarade. Il le
voyait chaque jour dans la chambre. Il savait que Désiré arrivait difficilement
à pouvoir lever sa pelle, il savait davantage qu’il lui eût été impossible de
prendre la cadence de travail des autres prisonniers. Weiss (note de R.R. : un
des tortionnaires SS belges) cherchait, voulait une victime, et l’innommable
lâche de Jumet allait la lui offrir.
Les paroles de cette hideuse crapule me revinrent : « Nous sommes ici
quarante-huit, mais même s’il faut en faire crever quarante-sept pour sauver ma
peau, je le ferai ». Comme Poquette, Mouffe eut le sac de pavés au dos, et
durant des heures, sans une seconde de répit, avec des halètements, soufflant
comme une pauvre bête épuisée, trébuchant à chaque pas, les yeux hagards, le
masque livide, le cerveau obnubilé, nous vîmes le grand Désiré dans son combat
avec la mort. Quel triste spectacle que celui de cet homme voué à présent à une
fin certaine, sans aucune aide, sans le moindre secours d’aucune sorte, mais
peinant encore pour répondre aux demandes d’un corps qui voulait vivre. Je
demande pardon à sa femme, à sa fille, à tous ceux de sa famille de rappeler la
détresse mortelle de leur cher disparu. Ce n’est pas un état morbide qui m’y
pousse, mais bien la volonté de voir punir ses tortionnaires.
Sous le regard implacable des brutes, Mouffe ploya à demi, ses doigts gourds se
crispaient sur le manche de sa pelle, et lorsqu’ il voulait lancer sa pelletée,
on voyait son long corps tordu, plié en arc, la tête s’inclinant lamentablement
sous la pression impitoyable de son sac de pavés. On dut le porter pour rentrer
dans la chambre, il avait tenu jusqu’ au coup de sifflait. Vite et dès la
rentrée, on le fit asseoir sur un escabeau.
M’approchant de lui, je lui demandai : « Qué nouvelle, Zirès, vos sintez
mia ? ». Il leva la tête, son regard était obscurci, enveloppé comme d’un
nuage, et d’une voix affaiblie je l’entendis prononcer ces paroles :
« Pinsez qu’nos les vîrons ? ». Tels furent ses derniers mots, mais que
pouvaient-ils signifier ? Désiré fut couché sur sa paillasse et deux heures
après il mourait !

Pleurez, pauvre femme, pauvre petite, et dites-vous que sans Daumeries, votre époux bien-aimé, votre papa adoré, aurait probablement revu le clocher de sa bonne commune. Dans ses conversations des derniers jours, il ne cessait de répéter qu’il voudrait, quoi qu’il arrivât, que sa fille pût continuer ses études musicales. Je répète ses paroles et l’espoir qu’elles contiennent, afin que plus tard on crée une institution qui étende sa protection aux veuves et orphelins de ceux qui firent le sacrifice de leur vie pour la force et la foi de leurs sentiments patriotiques.
Mis en ligne sur Facebook par Roger Romain