L’armée belge des Partisans armés (suite VI)

Rappel : dans le dernier épisode, Thonet, arrêté, torturé par la Gestapo avait réussi à s’enfuir.

On comprendra aisément que Thonet ne pouvait pas rentrer à Huy. D’ailleurs, il n’en avait nullement l’intention. Il prit donc la décision de se rendre à Bruxelles et de s’y mettre à la disposition du P.C. Accueilli comme bien on pense, cet homme animé du patriotisme le plus pur, cet échappé du poteau d’exécution, fut envoyé dans le pays de Charleroi avec mission d’y participer à l’organisation de la Résistance armée. C’est donc à la suite de toutes ces aventures que Raoul Baligand et Victor Thonet se rencontrèrent, par une nuit d’automne, dans une riante petite cité de l’Entre-Sambre et Meuse.

Au cours de cette première entrevue, les deux hommes discutèrent de la possibilité de fonder une organisation sur une base solide. L’arrestation du camarade Tinclair avait plongé les Résistants dans la suspicion. Ce coup du sort ne pouvait être imputable qu’à une indiscrétion malveillante ou imprudente. Un mouton, un traître à la solde des Nazis s’était-il enrôlé parmi les Partisans ? Une tierce personne au courant du secret et à qui pouvait-on se fier. ? Là était la question primordiale, une question de vie ou de mort pour le mouvement. Devant la gravité du problème une solution radicale, la seule offrant toutes les garanties, s’imposait.

Les deux amis, les deux chefs, tombèrent d’accord sur ce point. Il fallait abandonner tout le système établi et repartir de rien. Pour être certain d’éliminer une éventuelle brebis galeuse, on laissa tomber avec regrets de braves compagnons. Mais l’avenir devait revoir ces derniers dans les rangs des P.A.

À l’issue du rendez-vous de Montigny-le-Tilleul de nouveaux éléments sérieux furent recrutés, parmi lesquels les camarades V…, B…, et D…, appelés à prendre une part active aux expéditions ultérieures. Qu’on se rende bien compte des difficultés rencontrées dès le début : pas d’armes, pas de matériel ! Que pouvaient espérer et entreprendre ces hommes jouant leur vie, sur une roue encore bien fragile ? Leur ingéniosité suppléa au manque de matériel et leur audace domina les dangers habituels.

Nos Partisans se livrèrent à de singuliers travaux de chimie. Ils s’étaient procuré une recette étrange mais assez délicate à réaliser. Il s’agissait d’un mélange d’huile, de soufre, de carbone et de salpêtre. De cette mixture sortait un produit paraissant dérisoire aujourd’hui, mais qu’à cette époque on nommait avec dévotion : poudre incendiaire ! Les essais eurent lieu la nuit, sur une voie secondaire ces lueurs rougeoyant dans le ciel noir savent que les épreuves furent concluantes.

Les Partisans choisissaient soigneusement les wagons de paille, de foin ou autres produits destinés à l’armée allemande d’occupation. Apprenant que l’ennemi avait un besoin pressant de notre charbon et que la production dépendait en partie de l’arrivage des bois de mine, les Partisans attendaient au passage les précieux rondins et les fagots de frêne. Bien souvent le bois de nos Ardennes vint ainsi en un majestueux bûcher roulant.

Entre-temps, pour varier le plaisir, le groupe s’attaquait aux boyaux des freins Westinghouse. A coups de rasoirs, les Partisans tranchaient le caoutchouc, puis ils emportaient les attaches. Un wagon isolé ou une rame toute entière, rien ne rebutait nos courageux saboteurs. Les convois s’immobilisaient, un chargement dont l’ennemi ordonnait l’expédition d’urgence devait stationner indéfiniment. Et les pièces de rechange commençaient à faire défaut.

Tout allait bien ! L’Amérique entrée dans la guerre accélérait ses envois de matériel et fourbissait ses armes ; tout allait bien ! Les Nazis fonçaient vers la Volga er le Caucase mais Léningrad tenait toujours et Moscou était sauvée, tout allait bien ! L’Afrika Corps qui se croyait déjà au Caire se voyait tout à coup forcée à la retraite vers El Agheila ; tout allait bien ! Les Belges et autres peuples subjugués ne pouvaient faire mieux que mettre un frein aux exigences de l’ennemi. Réduction de la production à l’usine, et ralentissement des transports… Tout allait bien !

Les Partisans y allaient de bon cœur. Pourtant, ils ne se contentaient qu’à demi du succès de leurs premières expéditions. Ils entrevoyaient la possibilité de raids plus importants et n’attendaient que le moyen matériel de les réaliser. Thonet se souvint d’un petit dépôt localisé à Huy mais il ne pouvait plus se risquer dans cette ville. Baligand se chargea donc du voyage. Il en revint porteur de sept kilos de T.N.T., d’un revolver, de cordons Bickford, et d’un certain nombre de détonateurs ; toutes munitions acquises grâce au concours du beau-frère de Thonet. C’était l’abondance !…

A suivre

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