La chanson de Craonne

tardi-putain-deguerreContexte historique :

C’est une parodie d’un air très à la mode en 1911, « Bonsoir M’amour ». Sa simplicité en fait une chanson idéale pour adapter d’autres paroles, ici liées à la Grande Guerre et écrites par des poilus. Le texte se modifie au gré du conflit, mais apparaît dans les écrits des soldats dès 1915. Il se stabilise définitivement en 1917 après le massacre du Chemin des Dames, mais exprime en fait un ras-le-bol général qui couvait depuis plusieurs années. Les mutineries de 1917 ont sans doute influencé le choix du titre final, Chanson de Craonne (village détruit de Picardie), car l’offensive vouée à l’échec mais tout de même orchestrée par le Général Nivelle a provoqué des réactions très amères.

Le chemin des Dames

Le général Nivelle commande les armées françaises le 16 avril 1917 quand est lancée l’offensive française aux chemins des dames. Plus d’un million d’hommes ont été rassemblés sur le front entre Soissons et Reims afin de percer les lignes allemandes. La longue préparation d’artillerie fait que les Allemands s’attendent à l’attaque et sont préparés à défendre leurs tranchées. Les soldats qui se lancent à l’assaut se heurtent aux barbelés allemands et sont fauchés par les mitrailleuses allemandes. Malgré des pertes énormes (30 000 tués et 100 000 blessés en 10 jours), Nivelle s’obstine et la bataille dure un mois et fait au total 270 000 victimes. Finalement le général Pétain (le vainqueur de Verdun en 1916) remplace Nivelle a la tête des armées françaises.

Quelques informations sur les mutineries :

Lasses des combats qu’ils jugent inutiles, un certain nombre de soldats se mutinent c’est-à- dire qu’ils refusent de monter au front. Ils veulent un commandement plus soucieux de la vie des soldats et qui ne les envoie pas mourir pour gagner quelques centaines de mètres sur l’ennemi. Pétain met fin aux mutineries en améliorant la vie des soldats mais également en condamnant certains mutins à la peine de mort afin de faire peur aux autres (A partir des archives de la justice militaire, Guy Pedroncini a chiffré à 629 les condamnations à mort prononcées entre le 16 avril 1917 et le 31 janvier 1918. 75 soldats furent exécutés, les autres ayant été graciés par le président de la République..)

Chanson de Craonne

Quand au bout d’huit jours, le repos termine,
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez,
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civelots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s’en va là-haut en baissant la tête…

Refrain:

Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C’est nous les sacrifiés !
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’leve
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes…

(refrain)

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la même’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là

(refrain)

Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votre peau !

 

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