
L’entrée des ouvriers mineurs dans l’ordre des Chevaliers du Travail ne connut pas les mêmes déterminants que celle des ouvriers verriers. Contrairement aux ouvriers verriers, il n’existait aucune interdépendance ou solidarité professionnelle internationale. Leurs luttes n’avaient bénéficié d’aucune solidarité de la part des Knights of Labor américains contrairement à ce qui s’était produit à l’égard de l’Union verrière en 1884.
Parmi les facteurs qui ont joué en faveur de l’adhésion des ouvriers mineurs aux Chevaliers du Travail, nous pouvons souligner l’exemple de l’Union verrière, les rapports entretenus avec Delwarte et son influence personnelle, et la nécessité d’échapper aux menaces et répressions patronales. Ont été aussi évoqués les aspects symboliques et mystérieux de l’ordre qui impressionnent des ouvriers superstitieux et souvent analphabètes.
Louis Bertrand va même souligner cet état d’esprit particulier des ouvriers mineurs en caractérisant de la façon suivante la mentalité des houilleurs de Charleroi :
L’intelligence ouvrière y est plus développée (qu’au Borinage) mais le mineur y est resté fort superstitieux, crédule. Après la chute de l’Internationale, il y eut, dans plusieurs communes de cette contrée, un mouvement spirite très développé. Plus tard, l’organisation des mineurs prit une grande extension et on attribua ce succès aux rites en faveur dans ces groupements, qui avaient calqué leur organisation sur celle des Chevaliers du Travail d’Amérique, leur empruntant leurs formules de serment, leurs signes maçonniques, etc…
Le 3 mai 1885 à Jumet-Gohissart, Jean Callewaert invite Albert Delwarte à parler des Chevaliers du Travail et de l’Union verrière qu’il anime, cela en présence de l’organisateur américain Donney. Le jour même, les 31 camarades présents fondent la première Union des mineurs Eurêka qui adhère à l’ordre des Chevaliers du Travail.
Comme nous l’avons déjà évoqué, les Chevaliers du Travail sont organisés en société secrète formant une sorte de franc-maçonnerie pour prolétaires. Les membres s’appellent entre eux « frère » et utilisent des signes de reconnaissance. L’adhésion comporte une initiation et exige un secret absolu. Chaque membre reçoit un livret qui lui permet d’être admis en visiteur dans n’importe quelle assemblée locale.
La Chevalerie belge est symbolisée par un globe traversé par une lance – ce sont les couleurs rouge et noire qui sont brandies dans les luttes.
Malgré le secret entretenu, les principaux membres seront vite identifiés par les autorités et le patronat. Jean Callewaert sera le président de « l’Union des mineurs Eurêka » jusqu’en 1894.
Son nom connaît une transcription très variable : Calluwaert, Caeluwaert, Callewaërt … Il est né le 12 juin 1846 à Marchienne-au-Pont.
Il travaille depuis l’âge de neuf ans et va passer plus de 26 ans au fond de la mine C’est dire qu’il y a « du pain sur la planche » pour compléter ces notes sur l’histoire des Chevaliers du Travail dans le bassin de Charleroi et qu’il sera passionnant de dépouiller les archives des Chevaliers du Travail en possession du Centre d’archives du Progrès « Cercle Louis Cayenne », devenu depuis une section de l’Institut d’Histoire ouvrière, économique et sociale de Seraing.
Le 18 août 1997 / Docteur Jacques Lemaître