
Le gouvernement wallon a approuvé une note cadre qui prévoit la création de 12.000 nouveaux lits. Mais l’accent est surtout mis sur le contrôle des prix et l’amélioration de la qualité. Les CPAS craignent que les nouvelles règles de financement avantagent le secteur privé.
Alda Greoli (CDH), la ministre wallonne de la Santé et de l’Action sociale, a récemment fait approuver par le gouvernement une note cadre consacrée à la réforme de l’aide aux personnes âgées. Une préoccupation permanente pour les autorités wallonnes qui portent déjà l’idée d’une assurance autonomie de 36 euros payable par tous, sauf exceptions, et qui soutiendra les services délivrés aux citoyens en perte d’indépendance, dont de nombreux aînés. En 2034 en Wallonie, il y aura autant de personnes âgées de 67 ans et plus que de jeunes de moins de 18 ans.
L’annonce de cette réforme s’est focalisée sur un chiffre spectaculaire qui s’inscrit dans le cadre du Plan wallon d’investissement porté par le gouvernement MR-CDH : à l’horizon 2030, près de 12.000 places supplémentaires (11.907 exactement) auront été créées au sud du pays, où on en recense actuellement 48.122.
« Considérant l’enjeu du vieillissement de la population, ces 60.000 places contribueront à assurer à chacun une meilleure chance d’accès à un hébergement de qualité dans un dispositif d’accueil pour aîné, et ceci à un prix abordable », a expliqué Alda Greoli.
Financement revu
Notons au passage que l’engagement du gouvernement ne convainc pas l’économiste Philippe Defeyt, ancien président Ecolo du CPAS de Namur et membre de la commission wallonne des aînés. A La Libre, ce spécialiste a expliqué que si la pénurie de lits est bien réelle, la vision du problème n’est pas assez dynamique : « Une personne peut être amenée à effectuer des demandes dans plusieurs établissements, mais celles-ci sont comptabilisées comme si elles concernaient plusieurs personnes. Il faudrait une liste nettoyée des demandes multiples. »
Un point de vue que ne partage pas la ministre : « Les personnes concernées et les familles doivent avoir le choix entre plusieurs solutions. Dans ce secteur, on ne peut pas fonctionner en flux tendu. En outre, les 12.000 places à créer ne concernent pas uniquement les maisons de repos, mais aussi les maisons de repos et de soins, les centres de jours ou les centres pour courts séjours… »
Chaque année, la Wallonie soutient ce secteur à concurrence de 953 millions pour 48.122 places. Le plan d’investissement complémentaire annoncé cet été imposera un effort supplémentaire de 232,3 millions par an, à raison de 19.517 euros par lit. « Nous disposerons d’un budget qui permettra à la fois de couvrir les subsides à la construction ou à l’agrandissement des infrastructures ainsi que l’intervention dans le prix de la journée », détaille Alda Greoli.
Le mode de financement va donc clairement évoluer : « L’ensemble des interventions sera globalisé dans le flux des organismes assureurs à la journée en y intégrant l’intervention en faveur de l’infrastructure, explique encore la ministre. Conséquence : l’intervention sera strictement liée à l’occupation réelle de la place par un résident, sous une forme forfaitaire. Une mécanique qui est similaire à celle prévue pour le développement des infrastructures hospitalières. »
Maisons familiales
En Wallonie, la gestion des maisons de repos se répartit par quotas : 29 % par le secteur public, surtout les CPAS, 21 % par le monde associatif, essentiellement chrétien, et 50 % réservés au secteur privé. Le nouveau dispositif de financement inclut l’intervention régionale en faveur des infrastructures dans le forfait Inami par journée. De quoi faire réagir sévèrement les pouvoirs locaux, dont la Fédération des CPAS wallons.
« Actuellement, seuls des opérateurs non-marchands (publics et associatifs, NDLR) peuvent recevoir des subventions à l’investissement pour des maisons de repos, lit-on dans un avis circonstancié remis à Alda Greoli. Le nouveau mécanisme tel qu’il est annoncé ouvre ces subventions à tous les secteurs, dont les opérateurs marchands qui sont déjà rentables, et parfois très rentables, sans ces aides. »
Les CPAS demande donc officiellement que « le caractère non-marchand du gestionnaire reste une condition sine qua non du mécanisme de subvention des investissements dans le secteur des maisons de repos. » C’est l’option retenue à Bruxelles, les Wallons demandent qu’on s’en inspire. « Surtout, ajoutent-ils, que la Région wallonne manque déjà de moyens pour rencontrer les demandes actuelles qui sont en liste d’attente. »
La ministre ne nie pas l’évidence : jusqu’à présent, le privé n’a pas droit à des aides à l’investissement et la globalisation des aides ouvre effectivement la porte à un soutien au non-marchand : « En effet, je ne suis pas fermée à la discussion, précise-t-elle. Je songe notamment aux petites maisons de repos de type familial qui ont joué un rôle historique dans le paysage. Il n’est pas scandaleux dans certains cas de les aider pour qu’elles puissent vivre et continuer à jouer leur rôle. »
Mais cela ne pourra s’envisager qu’avec le respect des nouvelles règles de régulation des prix et des normes de qualité revues à la hausse, qui sont l’autre pan de la note-cadre d’Alda Greoli. « La mesure la plus symbolique est l’instauration d’un prix conventionné, explique la ministre wallonne. Celui-ci sera établi sur base d’une convention reprenant les tarifs et établie entre les fédérations représentatives du secteur et les organismes assureurs. »
L’adhésion à ce prix conventionné sera la condition sine qua non à l’octroi de subsides à l’investissement tel que prévu dans le nouveau mode de financement des infrastructures. L’objectif est aussi d’intégrer dans le prix de base une série de suppléments qui grèvent souvent la facture des résidents : télédistribution, accès à internet, frigo… La Wallonie se montrera aussi plus sévère avec les normes de construction, d’aménagement et d’encadrement. C’est à ce prix que les maisons de repos pourront ou non bénéficier du soutien public, qu’elles soient privées ou pas.
Un soutien renforcé aux aidants proches
On dénombre en Belgique près de 860.000 aidants proches, ces gens de l’ombre, membres de la famille ou amis de celles-ci, qui consacrent un peu ou beaucoup de leur temps à soutenir une personne en perte d’autonomie, par lesquels de très nombreux aînés. La moitié de ces aidants proches fournissent une aide quotidienne. Une personne sur cinq preste plus de 20 heures par semaine.
En Wallonie, l’ASBL Aidants proches est au coeur du dispositif. Elle informe, elle recrute de nouveaux intervenants, elle coordonne les besoins et assure un soutien moral et matériel à « ceux qui accompagnent des situations complexes liées à la perte d’autonomie, à la maladie ou à un accident de la vie », comme les définit Alda Greoli (CDH), la ministre de l’Action sociale.
En charge aussi de programmes de formation, l’ASBL Aidants proches bénéficiait déjà d’une subvention régionale. Le gouvernement MR-CDH vient de décider de la garantir pour les trois prochaines années, 180.000 euros par an de 2018 à 2020, soit un total de 540.000 euros. « De quoi faire de cette association la plateforme représentative des aidants proches en Wallonie ainsi qu’un centre d’expertise en la matière », conclut la ministre.
ERIC DEFFET (Extrait du Soir)