
Ingrédient n°6 : Un mouvement syndical qui revoit sa relation avec les partis politiques
Le mouvement syndical en Belgique entretient des liens privilégiés avec certains partis, en particulier le CD&V, le PS et le SP.A. Suite aux trahisons successives de ces partis au cours de leurs différentes participations gouvernementales, certains en viennent à réclamer des syndicats indépendants de tout parti politique ou de toute politique de parti.
Mais cette solution est un leurre car le mouvement syndical a besoin d’un prolongement politique, a besoin de débats politiques et a besoin de voir les aspirations des travailleurs se traduire politiquement.
Néanmoins, le mouvement syndical a besoin d’une relation renouvelée avec les partis politiques. Comme le dit la FGTB Charleroi : « Nous organisons des mobilisations contre l’austérité et, systématiquement, la stratégie de l’aiguillon nous amène à sacrifier nos revendications pour ne pas mettre en danger la politique du PS et d’Écolo, au nom du “moindre mal”. On en arrive à un point tel aujourd’hui que certains responsables syndicaux, au nom de ce “moindre mal”, ne veulent même plus organiser la lutte contre l’austérité. (…)
La première chose à faire, c’est de rompre les liens privilégiés avec le PS. C’est ce que la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut a fait depuis quelques années. Il ne s’agit pas de dénoncer le PS comme un ennemi, ou de le calomnier, mais de comprendre que les liens privilégiés de la FGTB avec le PS, dans le cadre de l’Action commune socialiste, nous empêchent de sortir de la stratégie de l’aiguillon qui nous enfonce dans l’impasse. En même temps, il faut donc se prononcer pour une stratégie politique alternative car le syndicalisme pur, sans relais politique, n’est pas une solution »[3].
Le mouvement syndical a besoin de retrouver un débat politique large et un véritable pluralisme politique. Il a besoin de juger ses liens à la lumière des politiques qui portent au mieux les aspirations du monde du travail en paroles et en actes.
Un syndicalisme offensif, ce sont des organisations syndicales riches de nombreux syndicalistes qui ont choisi politiquement de sortir du cadre étroit du capitalisme et qui osent porter un autre choix de société, des syndicalistes qui portent et popularisent les projets politiques crédibles qui remettent en cause l’austérité et les dogmes de la compétitivité.
Pour ne pas conclure…
Bien entendu, ces ingrédients ne sont pas les ingrédients uniques et magiques d’un plat divin. Ils n’ont aucune vocation à devenir de nouveaux dogmes. Ils ont simplement pour but d’ouvrir le débat plus largement que ce que le combat quotidien et immédiat nous impose parfois. Ces ingrédients se veulent être une base de discussion et d’inspiration pour l’action. Rendez-vous dans la lutte pour les vérifier.
Paul Lootens,
Ancien président de la Centre générale de la FGTB
[3] FGTB Charleroi, 8 questions en relation avec l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut, 2013, p. 25.